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Un avenir durable avec les légumineuses : Prenez-en de la graine !

Proposé par Sophie BOUR, Delphine DECAUDAIN & Émilia VOGTENBERGER
Étudiantes du Mastère Spécialisé® Éco-conseiller | P35

1000 et 1 bonnes raisons de cultiver des légumineuses

Moins d’engrais azotés, et plus de biodiversité

Les légumineuses ont la capacité de créer des symbioses avec des bactéries fixatrices d’azote. Grâce à ce processus, leur culture ne nécessite pas d’engrais azotés. Elles contribuent également à augmenter de manière progressive la quantité d’azote dans le sol et donc à améliorer la fertilité chimique et biologique du sol, ce qui limite l’apport d’engrais azotés pour les cultures suivantes. (9) La qualité des sols des cultures des légumineuses est en effet de meilleure qualité et avec une plus grande diversité microbienne grâce à leur activité rhizosphérique : on dénombre ainsi 10 à 100 fois plus de vers de terre, carabes et arthropodes sous un champ de luzerne que de blé.  La biodiversité extérieure en bénéficie également car les champs de légumineuses représentent une ressource alimentaire importante pour les insectes, pollinisateurs ou non (à condition que la culture assure une floraison suffisante).  Cette plus grande variété végétale permet par ailleurs une meilleure gestion des parasites. Ainsi la luzerne, qui peut rester en place 2 à 3 ans (nécessitant peu d’entretien) assure une fonction nettoyante vis-à-vis des adventices.

Moins de carburant, et meilleur air ambiant

En fixant l’azote dans le sol et en allongeant les rotations de culture, la culture de légumineuses permet donc de réduire l’utilisation de pesticides. On assiste alors à une diminution des émissions de gaz à effet de serre (GES) par la diminution des engrais azotés de synthèse (dont la fabrication représente 30 % de la consommation totale d’énergie d’une ferme en France), mais également par une moindre utilisation de carburant. En effet, moins de passages au pulvérisateur sont alors requis. La qualité de l’air s’en trouve également améliorée grâce à la baisse de fertilisation minérale, et donc une baisse d’émissions d’ammoniac (NH3) et d’oxyde d’azote (NOx). On peut citer l’exemple de remplacement d’une culture d’une céréale par du pois et/ou du soja (13). Dans le cas d’une rotation de trois à cinq ans, cela permet de réduire de 20 % des apports d’azote de synthèse, de 80 % la formation d’ozone, de 90 % l’eutrophisation des eaux et des GES, et de 15 % l’acidification des océans.

Moins de méthane, et bénéfique pour le bétail

Les légumineuses peuvent également se révéler avantageuses pour le bétail. Les légumineuses riches en tanin notamment, telles le sainfoin, permettent de passer outre la case « antiparasitaires », de diminuer les résidus de produits vétérinaires (14) dans les écosystèmes, et donc leur impact sur la santé humaine. Utiliser les légumineuses pour nourrir les animaux d’élevage c’est aussi diminuer la dépendance à l’importation des tourteaux de soja issus de la déforestation. Enfin, elles permettent une réduction des émissions de méthane car les légumineuses fourragères sont plus digestes que les graminées (15).

Un avenir en bonne santé

Les recommandations actuelles sont de consommer des légumineuses au moins deux fois par semaine. En 2017, 85 % des adultes ne suivaient pas cette recommandation. (2, 3)

Leurs caractéristiques nutritionnelles participent à l’équilibre alimentaire :

– Elles sont une source de protéines d’origine végétale de qualité. Les protéines sont constituées d’acides aminés que l’organisme utilise pour diverses fonctions essentielles dont la synthèse protéique. Huit acides aminés chez les adultes sont dits essentiels (ils ne peuvent pas être synthétisés par l’organisme). Ils doivent donc impérativement être amenés par l’alimentation. Les protéines des légumineuses ne contiennent pas tous les acides aminés essentiels du coup l’association de protéines végétales des légumineuses et des céréales forment une protéine de qualité avec tous les acides aminés essentiels.(6)

– Elles figurent parmi les aliments les plus riches en fibres alimentaires ce qui permet le bon fonctionnement du système digestif en favorisant la qualité du microbiote intestinal ainsi que la satiété. En contribuant à la bonne santé du microbiote, elles sont d’excellentes alliées de la santé mentale et contribuent à la diminution du risque de cancer du côlon.

– Leur consommation régulière peut contribuer à diminuer les risques de maladies cardio-vasculaires car elles sont naturellement pauvres en gras et ne contiennent pas de cholestérol.

– Elles présentent un index glycémique peu élevé qui convient particulièrement aux diabétiques (protection contre le diabète de type 2) et aide à la prévention chez les sujets sains.

Elles sont également riches en vitamines et minéraux (dont calcium, magnésium, zinc, potassium, vitamine B12), sans gluten, pauvre en sel. (4,5)

Les légumineuses souffrent d’une réputation de digestibilité difficile en raison de la présence de substances qui entraînent une réduction de l’absorption des nutriments dans le système digestif. Cela peut causer ballonnements et flatulences qui peuvent être réduits par trempage, germination, fermentation, cuisson suffisante.

Or ces légumineuses précieuses ont été délaissées…

Après la 2de guerre mondiale, la France et l’Europe aspirent à retrouver leur indépendance alimentaire et mettent en place la Politique Agricole Commune européenne (PAC, 1962), reposant sur un système productiviste. La viande, produit de luxe jusque-là, devient accessible au plus grand nombre grâce aux politiques publiques (7). Les systèmes de culture s’homogénéisent avec l’essor des engrais azotés de synthèse marginalisant la production des légumineuses. Ces dernières étaient nécessaires jusque-là au système de rotation des cultures des agriculteurs, elles participaient à l’alimentation humaine et celle des élevages. Les protéines étaient alors presque exclusivement d’origine végétale : fève, haricot, lentille, trèfle, sainfoin, luzerne…

A partir de cette époque, la culture des céréales, plus compétitive que celle des légumineuses a été favorisée, et les légumineuses ont été considérées comme presque exclusivement réservées à l’alimentation animale. De plus, les légumineuses se sont retrouvées en compétition directe avec le soja importé d’Amérique suite à des accords commerciaux conclus au début des années 1960 entre l’Europe et les États-Unis. Le soja a alors fourni des protéines peu coûteuses en grande quantité (8).

Parallèlement, le changement des habitudes alimentaires, avec l’augmentation de la consommation de produits carnés, a entraîné une baisse spectaculaire de la consommation humaine de légumineuses à graines, passant de 7,2 kg/personne/an en 1920 à 1,4 kg/pers./an en 1985 (11). Ainsi, le déclin amorcé dans les années 50, accéléré avec l’aide des politiques publiques conduisit à la fin des haricots (secs) !

Aujourd’hui, « légumineuses » et « légumes secs », ne parlent plus à la majorité des français, qui ne sont plus capables de nommer et cuisiner ces précieuses protéines végétales. Notre consommation moyenne de légumes secs est devenue une des plus faibles au monde : 1,6 kg par personne et par an, quand elle est de 3,9 en Europe et 5,9 au niveau mondial, et nous importons 70 % de ce que nous consommons (11).

 

Conclusion

La culture de légumineuses constitue un véritable potentiel de développement agricole, et d’enrichissement de l’alimentation animale et humaine. Mais la modification du modèle se doit d’être accompagnée par les pouvoirs publics, et pensée de manière systémique.

L’approche One Health, qui englobe les enjeux de santé humaine, animale et environnementale, permettrait justement de mieux définir les actions des politiques publiques en se basant sur les interactions des êtres vivants, des animaux et des végétaux et à différentes échelles. A creuser donc…