La Solive : un peu d’huile dans les rouages de la rénovation énergétique

Proposé par Anthony LUX et Frédérik VARLET
Étudiants du Mastère Spécialisé® Éco-conseiller | P35

Rénovation énergétique et Solive

Introduction

Le secteur du bâtiment fait partie des axes-clés de la transition écologique ; étant le principal consommateur d’énergie à l’échelle nationale. Ainsi, la rénovation énergétique des logements et des bâtiments tertiaires répond à un triple enjeu : lutter contre le changement climatique, soutenir le pouvoir d’achat et améliorer la qualité de vie des Français· es.

Ces problématiques, fortement dépendantes des entreprises et des propriétaires privés, reposent sur un plan d’action très ambitieux qui nécessite des moyens financiers et des compétences techniques importantes à l’heure actuelle insuffisants.

Heureusement, il existe des personnes prenant ce problème à bras le corps et développant des solutions parfois originales. Cet article met en lumière une de ces initiatives.           

Article Solive et rénovation énergétique

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Le bâtiment, un secteur impactant qui nécessite de forts besoins en main d’œuvre qualifiée

Le secteur du bâtiment est l’un des plus émetteurs en gaz à effet de serre (GES).
En France, il constitue à lui seul le deuxième secteur le plus impactant, avec près de 27 % des émissions d’équivalent CO2 et 45 % de la consommation d’énergie finale.

En vue d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 comme défini dans les accords de Paris, c’est-à-dire que le pays ne devra plus émettre davantage que ce qu’il ne peut stocker, la réalisation de travaux de rénovation énergétique apparaît comme un levier essentiel.  Qui plus est, cela contribuerait à améliorer le confort des logements ainsi qu’à réduire la facture énergétique, en forte hausse depuis plusieurs mois. Les derniers chiffres font état de près de 5 millions de logements mal isolés, et ce ne sont pas moins de 3,8 millions de ménages qui ont des difficultés à payer leur facture de chauffage.

Cependant la dynamique des travaux de rénovation pour atteindre les objectifs de neutralité carbone se doit d’être soutenue.

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Rénovation du bâtiment, levier d’action de la planification écologique,
 ici pour le secteur résidentiel. Source : Secrétariat général à la planification écologique

Pour combler ce retard, le gouvernement mise sur une très forte accélération dans les prochaines années.

Depuis le Grenelle I de l’Environnement en 2007, la France a ainsi mis en place différents programmes et outils de soutien en faveur de la rénovation énergétique à destination des logements privés et bâtiments publics, notamment la Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC) et ses évolutions suite à l’accord de Paris en 2015.

À titre d’exemple, le plan France Relance lui a consacré 6,2 milliards d’euros sur deux ans, de 2020 à 2022. Les subventions MaPrimRénov’ sont devenues la principale aide de l’État en faveur de la rénovation énergétique. Cependant, si ce furent 669 890 logements à avoir été rénovés par ce biais en 2022, seules 65 939 des rénovations furent globales, c’est-à-dire une rénovation qui permet un gain énergétique supérieur à 35 %, selon le rapport d’activité 2022 de l’Anah, l’agence nationale de l’habitat, qui alloue ces subventions. Selon un rapport de la Cour des Compte en 2021, 86 % des chantiers financés grâce à MaPrimeRénov’ se sont limités à des rénovations mono-gestes, concernant principalement des changements de systèmes de chauffage (72 %) et, dans certains, complétés par un renforcement de l’isolation (26 %).

À partir du 1er  janvier 2024, MaPrimeRénov’ évoluera en proposant deux parcours-types en fonction de la situation et les besoins de chaque ménage grâce à France Rénov’ :

  • Parcours accompagné pour les rénovations d’ampleur, à travers des travaux de rénovation permettant un gain minimal de 2 classes sur leur DPE. Ces ménages bénéficieront d’un accompagnement systématique et d’une prime revalorisée.
  • Parcours de rénovation par gestes pour la sortie des énergies fossiles, à travers des changements de chaudières et des petits bouquets de gestes. Ce parcours sera disponible pour les ménages vivant dans une maison déjà bien isolée.

Les Certificats d’Economies d’Energie (CEE) ainsi que les chèques énergie viennent compléter ce dispositif d’aide dans une moindre mesure.

Plus récemment, la loi n°2021-1104 du 22 août 2021, baptisée loi Climat et Résilience et portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, vise notamment à :

  • l’interdiction de mise en location des logements mal isolés à partir de 2025 pour les logements classés G, soit 600 000 logements, 2028 pour les 1,2 millions de logements classés F, et 2034 pour les 2,6 millions de logements classés E,
  • la réalisation obligatoire d’un audit énergétique pour toute vente de logement,
  • le gel des loyers pour les passoires énergétiques,
  • l’accès pour tous les foyers, y compris les plus modestes, à un mécanisme de financement pour régler le reste à charge des travaux de rénovation,
  • la création d’un accompagnateur rénovation,
  • et le déploiement d’un carnet d’information du logement.

En vue de répondre à ces objectifs de rénovation énergétique, les besoins en main-d’œuvre sont particulièrement importants, à la fois en termes de main-d’œuvre disponible et de montée en compétences. Les besoins en emploi ont été estimés par le think-tank associatif « le Shift Project » à environ 110 000 emplois qualifiés supplémentaires d’ici 2041 pour atteindre au total 180 000 ETP (équivalents temps plein) dans la rénovation thermique et 570 000 ETP dans l’ensemble des activités d’entretien et de rénovation ; ceci sans tenir compte d’autres facteurs, comme l’économie circulaire du bâtiment et l’utilisation de matériaux biosourcés, qui pourraient encore augmenter davantage le besoin en emploi, que ce soit dans le neuf comme la rénovation.

2. La Solive, un acteur écologique et sociale de la rénovation énergétique

Dans la partie précédente, nous avons vu que la transition énergétique dans le secteur du bâtiment était loin de suivre le rythme nécessaire à l’atteinte des objectifs de la Stratégie Nationale Bas-Carbone à l’horizon 2050. Le faible nombre de logements rénovés est avant tout une conséquence du manque de financements, provenant tant de fonds privés ou publics, dédiés au sujet.         
Cependant, un autre facteur ralentissant la rénovation énergétique est le manque de personnel qualifié et formé sur ces problématiques bien spécifiques. En effet, pour atteindre les objectifs que la France s’est fixée, il faut former un très grand nombre de personnes en très peu de temps ! D’ailleurs, la demande en matière de rénovation étant bien supérieure à l’offre, ce manque de compétences à tendance à augmenter les prix des prestations et amplifier le problème du financement.C’est dans ce contexte que de nouveaux acteurs se donnant pour mission de réduire les émissions de gaz à effet de serre des bâtiments au travers de la formation voient le jour. 

Ainsi, en 2021, Ariane Komorn, alors directrice du pôle Engagement chez En Marche ! et Côme de Cossé-Brissac, collaborateur au bureau du Ministère chargé du Logement, créent La Solive. Leur initiative est née du constat de deux enjeux majeurs. D’un côté, le secteur du bâtiment représente près de la moitié de notre consommation d’énergie, soit plus d’un quart de nos émissions de gaz à effet de serre. Et surtout, plus de 3 millions de Français souffrent de précarité énergétique et ne peuvent pas se chauffer l’hiver. De l’autre, des millions de Français de tous horizons – ouvriers, agents de maîtrise, commerciaux, cadres – cherchent un métier stable, d’avenir, avec du sens et souhaitent participer activement à la transition écologique (et en l’occurrence énergétique). C’est à ces deux problématiques que La Solive, auto-proclamée école des métiers de la rénovation énergétique, doit répondre.

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Ariane Komorn et Côme de Cossé-Brissac,
fondateurs de La Solive. Source : la-solive.com

À l’heure actuelle, plus de 300 personnes ont déjà été formées et 3 campus ont été ouverts à Paris, Lyon et Nantes, en plus des formations à distance. D’ici 2025, l’objectif de La Solive est de former chaque année 5 000 personnes à la rénovation énergétique.

Pour atteindre ces objectifs ambitieux, l’entreprise développe des parcours pour former rapidement et concrètement ses élèves, à savoir des personnes en reconversion professionnelle, aux métiers de la rénovation énergétique. Ces formations s’appuient sur les innovations récentes du secteur de l’éducation : des formats “bootcamp”, courts et intensifs, s’appuyant sur la pédagogie inversée et mêlant théorie et pratique, présentiel et numérique.

Trois formations différentes sont proposées aujourd’hui :

Toujours dans une optique d’expansion, d’autres parcours ainsi que de nouveaux campus en France puis en Europe sont prévus pour 2024.

Ces formations s’appuient également sur un solide réseau d’entreprises partenaires, qui permet d’être au cœur des besoins du secteur et d’obtenir des embauches rapides des élèves à la fin de leur formation.

En résumé, l’exemple de La Solive montre qu’il est possible de partir du constat d’un problème, voire même plusieurs en l’occurrence, pour transformer ces coups de gueule en coups de cœur en développant des solutions qui n’existaient pas jusque-là en l’état. 

Ici, la problématique environnementale, avec le fort besoin de rénovation dans le domaine du logement et le manque de personnel qualifié, a été mêlée à la problématique sociale des personnes de plus en plus nombreuses en perte de sens dans leur travail et souhaitant se réorienter dans un métier à impact de la transition écologique. Le tout en proposant des méthodes innovantes pour accélérer le processus : formations accélérées et intensives, création de réseaux performants avec des entreprises partenaires pour faciliter l’embauche.

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Infographie Anthony Lux.
Informations tirées de la-solive.com

Conclusion

Pour conclure, le secteur du bâtiment requiert un effort conséquent pour répondre aux ambitions climatiques du pays, entraînant des besoins en formation conséquents. Plusieurs lois et outils de soutien ont été mis en place ces dernières années par l’État français pour tenter de faciliter les démarches et accélérer le rythme des rénovations.

La marche pour atteindre les objectifs de l’accord de Paris reste cependant considérable, et le besoin en main d’œuvre est particulièrement élevé, que ce soit en termes de nombre de personnes à recruter ou de niveau de qualification à atteindre.

Les initiatives qui se sont mises en place comme celle de Solive permettent d’accélérer les formations et d’attirer des personnes en transition professionnelle dans leur quête de sens. Ce genre d’initiative novatrice est possible grâce à l’implication de personnes tombant amoureuses d’un problème. Ainsi, s’il n’existe pas de solution à un enjeu donné, il ne tient qu’à nous de créer notre propre modèle.

Mot de la promo : Anthony LUX et Frédérik VARLET | P35    
5 décembre 2023

Bibliographie