La santé mentale sur une planète malade

Proposé par Sophie BOUR, Anaïs HERVELEU et Houyam LAHSIBI
Étudiant·es du Mastère Spécialisé® Éco-conseiller | P35

Introduction

L’impact du changement climatique sur la santé mentale et le bien-être humain est un sujet qui prend de l’ampleur, notamment avec l’apparition récente du terme “éco-anxiété”.

C’est un enjeu majeur qui commence à être reconnu mondialement. Les conséquences des dérèglements environnementaux, tels que les tempêtes plus fréquentes, les vagues de chaleur, les incendies de forêt et les inondations, ont des répercussions profondes sur la santé mentale des individus et sur leur qualité de vie.

Il est essentiel de reconnaître le lien entre le climat et la santé mentale, et d’adopter des approches globales pour atténuer les risques potentiels.

Des stratégies d’adaptation et des mesures de prévention, tant au niveau individuel que communautaire, sont nécessaires pour renforcer la résilience psychologique face aux défis posés par le changement climatique.

Article la santé mentale et planète malade

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I. Définition de la santé mentale

Santé mentale et illustration Pixabay

Des situations affectant la santé mentale – Source : Pixabay

lon l’OMS, la santé mentale est un “état de bien-être qui permet à chacun de réaliser son potentiel, de faire face aux difficultés normales de la vie, de travailler avec succès et de manière productive, et d’être en mesure d’apporter une contribution à la communauté”

Elle ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité.

La santé mentale présente trois dimensions :

  • La santé mentale positive (bien-être, épanouissement personnel, ressources psychologiques, interactions sociales)
  • La détresse psychologique réactionnelle suite à des situations éprouvantes, des difficultés de la vie (deuil, rupture amoureuse…) entraînant des symptômes de type anxieux ou dépressifs, le plus souvent transitoires et dans ce cas, il s’agit d’une réaction d’adaptation normale. Mais il arrive également que la détresse psychologique mal repérée ou mal accompagnée fasse basculer la personne vers la maladie.
  • Les troubles psychiatriques variables dans leur durée, leur sévérité et qui relèvent d’une prise en charge médicale[1]

L’accélération des changements climatiques représente une menace grandissante pour la santé mentale et le bien-être psychosocial, il entraîne détresse psychologique, anxiété, dépression, chagrin et conduites suicidaires. Mais les effets ne sont pas les mêmes pour tous, certains groupes sont davantage touchés selon le statut socio-économique, l’âge et le genre.[2]                                                  

II. Les impacts du dérèglement climatique sur la santé mentale

Les impacts physiques sur la santé

Les conditions météorologiques extrêmes et les changements climatiques peuvent affecter la qualité du sommeil, augmenter le niveau de stress quotidien et contribuer à l’aggravation de certains problèmes de santé mentale préexistants.

Les conflits humains pourraient être considérablement amplifiés par le dérèglement climatique. En effet, une étude des universités de Berkeley et Stanford révèle un lien entre variations de température et augmentation de la violence envers les autres mais également soi-même (ainsi 21000 suicides supplémentaires seraient à prévoir aux Etats-Unis et au Mexique d’ici 2050 si les prévisions de changement climatique se confirment).

Une simple hausse de 1°C par rapport à la normale saisonnière suffirait pour avoir une augmentation des violences verbales et physiques ; ceci étant probablement lié à l’altération de la qualité du sommeil mais également à l’augmentation de la sécrétion d’une hormone favorisant le stress, la cortisone, dont le niveau augmente avec la chaleur.[3]

De plus, un fort taux d’humidité associé à des températures élevées serait un facteur aggravant pour la santé mentale.[4]

D’autre part, la prise de certains médicaments (certains neuroleptiques, antidépresseurs, tranquillisants…) dans un contexte de forte chaleur peut altérer la vigilance et de ce fait sa défense vis à vis de la chaleur. Elle peut également altérer le phénomène de transpiration tout comme le système de régulation de la température corporelle.[3]

Les impacts psychiques sur la santé

Le sentiment d’angoisse ressenti face à la menace globale du changement climatique, aggravé par un sentiment d’impuissance et de manque de contrôle sur la situation, définit l’éco-anxiété.[5] Il ne s’agit pas d’une pathologie mais d’“une réaction adaptative, normale face à une prise de conscience des enjeux environnementaux”.[6]

Toutefois, lorsqu’il est trop prégnant, ce syndrome peut faire apparaître des troubles comme l’anxiété, l’insomnie ou la dépression.

Les changements climatiques ont un effet cumulatif sur la santé mentale tout au long de notre développement et ce depuis la vie intra-utérine. L’accumulation de stress biologique ou psychologique d’abord chez la mère puis chez l’enfant au cours de son développement entraîne une vulnérabilité ultérieure augmentée à l’apparition de troubles psychiques.[7]

L’apparition de troubles dépressifs serait également favorisée par l’augmentation de la pollution de l’air liée au dérèglement climatique. En effet, d’après une étude britannique de 2019 sur une cohorte d’adolescents, l’exposition à un air riche en particules fines provoquerait une réaction inflammatoire dans le cerveau en développement et pourrait multiplier par 3 voire 4 le risque de développer une dépression quelques années plus tard.[3]

Les impacts sur la santé post-traumatique

Image santé mentale et impact post-traumatique

Photo pouvant représenter l’impact des conditions
météorologiques sur la santé. Source : Pixabay

Les événements météorologiques extrêmes peuvent entraîner des traumatismes psychologiques directs, notamment des pertes humaines, des destructions matérielles et la perte de moyens de subsistance. Ces expériences traumatisantes peuvent déclencher des troubles de stress post-traumatique (TSPT), de l’anxiété et de la dépression chez les personnes touchées, et même chez celles qui sont témoins de ces événements à distance.

Le stress post-traumatique se manifeste par la “reviviscence régulière [de l’événement traumatique], accompagnée de manifestations physiques liées à l’émotion extrême ressentie”.[8] Ce stress a pour effet d’altérer la vie personnelle, sociale et professionnelle des personnes qui en souffrent. Cela fait partie des troubles à long terme qui sont favorisés par “les déplacements et la dislocation de la cohésion sociale”.[9]

Les changements climatiques prolongés peuvent engendrer des bouleversements sociaux et économiques, ce sont des risques sanitaires qui vont perturber l’accès aux soins, entre autres. Ces perturbations vont impacter de manière plus forte “les personnes les plus vulnérables et défavorisées, notamment les femmes, les enfants, les minorités ethniques, les communautés pauvres, les migrants ou les personnes déplacées, les populations âgées et les personnes souffrant d’affections sous-jacentes”.[10]

Les conséquences de santé post-traumatique pour ces personnes, socialement vulnérables, seront donc plus fortes.

La santé psychique des personnes vivant des événements traumatiques est changée en profondeur, c’est le cas des réfugiés climatiques qui “sont exposés à des événements traumatiques répétés lors de leur parcours migratoire et à une rupture des liens sociaux”.3

Les effets du changement climatique sur la santé post-traumatique ne sont pas toujours immédiats. En effet, il existe une sorte de latence, dans le cas du TSPT, causée par un état en sidération lors de l’événement traumatique[11]. Tout ce stress impacte gravement la santé mentale et mène à plus de dépression et de pensées suicidaires.

III. Les moyens pour préserver la santé mentale

Chaque jour, nous ressentons des émotions, qui nous sont plus ou moins inconfortables. Le risque en gardant ces émotions est le syndrome de la cocotte-minute : à force de garder les émotions en soi, elles augmentent, la pression monte…et à un moment donné, la soupape ne tient plus.[12]

Photo pouvant représenter la reconnexion à la nature. Source : Pixabay

Photo pouvant représenter la reconnexion à la nature.
Source : Pixabay

Le meilleur conseil avant que la cocotte-minute n’explose est de prendre soin de soi. Cela peut passer par se reconnecter à soi, au vivant et aux autres  :  prendre le temps de méditer ou de faire du yoga, se promener en forêt, partager ses ressentis avec d’autres, etc.
Cela peut paraître anodin, ces activités sont pourtant essentielles pour retrouver l’envie d’agir. De plus, le fait d’être dans la nature (observer la faune et la flore, écouter, éveiller les sens) permet d’augmenter les hormones du bien-être comme la dopamine et la sérotonine.

Par des mails quotidiens pendant deux semaines, la Campagne “Tu flippes ?” d’On est Prêt propose des pistes pour transformer ses émotions en actions.

De nombreux ateliers et immersions pour mieux se connaître et se relier à la nature sont proposés, comme Les Ateliers de Travail qui Relie, qui permettent d’explorer son lien avec le vivant, d’exprimer ses émotions face à un système destructeur pour les transformer en engagement créatif.

Il se peut que des émotions inconfortables persistent et viennent altérer sa santé mentale. Il est alors essentiel de se faire accompagner, d’en parler, de ne pas rester seul⋅e. Selon l’OMS, la santé mentale est trop peu prise en compte dans les plans nationaux sur la santé et les changements climatiques. L’OMS recommande ainsi d’intégrer les enjeux climatiques dans les programmes de santé mentale, de soutenir le domaine de la santé mentale et de réaliser des engagements mondiaux ; ceci pouvant permettre une prise de conscience internationale.[13]

Selon l’OMS, le soutien psychosocial et en faveur de la santé mentale correspond à « tout type de soutien local ou extérieur qui vise à protéger ou à promouvoir le bien-être psychosocial et/ou à prévenir ou traiter les troubles mentaux ».[14]

Conclusion

Il est important de reconnaître que le changement climatique, en plus de poser des questions environnementales, a des répercussions profondes sur la santé psychologique et émotionnelle des individus et des communautés. En abordant ces enjeux de manière intégrée, il est possible d’atténuer les risques pour la santé mentale et de promouvoir le bien-être individuel et collectif.

Les stratégies d’interventions, lors de désastres météorologiques, doivent aller au-delà des réponses immédiates aux catastrophes et englober des approches à long terme axées sur la résilience psychologique, l’éducation publique et la sensibilisation. Des plans efficaces d’adaptation et d’atténuation seraient ceux favorisant des communautés résilientes, une planification urbaine adaptative et une gestion durable des ressources naturelles.

Il est possible de créer des sociétés plus résilientes et de promouvoir la santé mentale tout en répondant aux défis du changement climatique. Pour cela, une action mondiale coordonnée, impliquant des gouvernements, des organisations, des communautés et des individus, est nécessaire.

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Sources bibliographiques

  1. Santé mentale, Santé publique France : https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/sante-mentale (mis à jour le 06/12/2023, consulté le 09/12/2023)
  2. Environnement et santé publique. Fondements et pratiques. Goupil-Sormany I., Debia M., Giorennec P., Gonzalez J-P., Noisel N., Editions Presses de l’EHESP, 2023, 1051p.
  3. Changements climatiques et santé mentale, Pôle ESE : https://agir-ese.org/focus/changements-climatiques-et-sante-mentale (mis à jour le 23/02/2023, consulté le 09/12/2023)
  4. The Importance of Humidity in the Relationship between Heat and Population Mental Health : Evidence from Australia, NDing N., Berry H. L., Bennett C. M. : https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0164190 (publié le 11/10/2016, consulté le 09/12/2023)
  5. Eco-anxiété : analyse d’une angoisse contemporaine, Fougier E. : https://www.jean-jaures.org/publication/eco-anxiete-analyse-dune-angoisse-contemporaine/ (publié le 02/11/2021, consulté le 09/12/2023)
  6. L’éco-anxiété, vivre sereinement dans un monde abîmé, Desbiolles A., Editions Fayard, 2020, 240p.
  7. Santé et environnement, Vers une nouvelle approche globale, Senn N., Gaille M., del Río M. C., Holguera G. J., RMS Editions, 2022, 505p.
  8. Troubles du stress post-traumatique, Inserm – La science pour la santé : https://www.inserm.fr/dossier/troubles-stress-post-traumatique/# :~:text=Les%20troubles%20du%20stress%20post%2Dtraumatique%20(TSPT)%20se%20d%C3%A9veloppent,%2C%20sociale%20et%2Fou%20professionnelle. (publié le 23/11/2020, consulté le 09/12/2023)
  9. Santé mentale et changements climatiques, C2Care : https://www.c2.care/fr/sante-mentale-et-changements-climatiques/ (publié le 03/10/2023, consulté le 09/12/2023)
  10. Changement climatique et santé, Organisation Mondiale de la Santé : https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/climate-change-and-health# :~:text=Le%20changement%20climatique%20induit%20%C3%A0,dislocation%20de%20la%20coh%C3%A9sion%20sociale (publié le 12/10/2023, consulté le 09/12/2023)
  11. Psychiatrie et réchauffement climatique, Fond G., Masson M., Lançon C., Auquier P., & Boyer L, L’Encéphale, 2019. Vol. 45(1), p1 https://doi.org/10.1016/j.encep.2019.01.001
  12. Prendre soin de soi, On est Prêt : https://www.onestpret.com/ecoanxiete/prendre-soin-de-soi (consulté le 08/12/2023)
  13. Santé mentale et changement climatique : le dernier rapport du GIEC confirme une nette interdépendance – quelles pistes d’action ? , Centre national de ressources et d’appui aux Conseils Locaux de Santé Mentale : https://ressources-clsm.org/sante-mentale-et-changement-climatique-le-dernier-rapport-du-giec-confirme-une-nette-interdependance-quelles-pistes-daction/ consulté le 08/12/2023)
  14. La santé mentale est une priorité pour agir face aux changements climatiques, Organisation Mondiale de la Santé, https://www.who.int/fr/news/item/03-06-2022-why-mental-health-is-a-priority-for-action-on-climate-change (publié le 03/06/2022, consultée le 08/12/2023)

Pour aller plus loin

  • Ecopsychologie pratique et rituels pour la Terre – retrouver un lien vivant avec la nature, Macy J., Editions Le Souffle d’Or, 2009, 248p

Mot de la promo P35 : Sophie BOUR, Anaïs HERVELEU et Houyam LAHSIBI – 19 décembre 2023

Résumé santé mentale et planète malade