Simon LE MELLEC, jardinier indépendant intervenant auprès des scolaires, nous raconte ce que le jardinage lui permet de transmettre aux enfants : les valeurs de persévérance et de patience, la découverte de la biodiversité et du cycle alimentaire. Il nous propose aussi plein de conseils pour le jardin de l’école !

Simon, comment t’est venue la passion du jardinage ?

Enfant, j’étais passionné de nature. J’ai découvert le potager grâce à mes grands-parents durant les vacances. Puis, étant adolescent, j’ai fait pousser des tomates cerises sur mon balcon, en observant la fleur se transformer en fruit. A l’âge de 25 ans, je suis parti faire du « woofing » en Amérique du Sud et j’ai découvert ce qu’était cultiver un potager à grande échelle. Puis j’ai effectué des stages de volontariat chez « Terre et Humanisme « de Pierre Rabhi et j’y ai découvert le métier d’animateur en agroécologie, ce qui m’a beaucoup appris. Depuis je jardine en continu pour moi-même.

 

Le jardinage, qu’est-que cela représente pour toi ?

J’ai fait l’expérience du maraîchage, durant quelques mois et je n’ai pas souhaité me lancer dans ce secteur, car c’est un métier très ingrat. J’ai par ailleurs passé le concours pour être professeur des écoles, mais l’expérience de maître n’a pas été concluante pour moi. Quelque chose m’a plu, dans la transmission aux enfants, mais finalement, je préfère leur transmettre ce qui me passionne, plutôt qu’un programme. J’ai donc créé ma propre structure, qui s’appelle « les mains vertes ».

 

Simon dans un jardin partagé du quartier
du Neudorf à Strasbourg, juillet 2023

l'année en jardinage toute l'année

Plants de courges s’étant épanouis dans le jardin durant l’été.

Parle-moi de ton activité avec Les Mains Vertes !

Ce nom est un clin d’œil aux personnes qui disent ne pas avoir « la main verte » ! En réalité, savoir jardiner, c’est juste un apprentissage et une question de confiance en soi. Les mains vertes sont les personnes auxquelles je vais transmettre ma passion du jardinage. J’interviens auprès de toutes sortes de publics, de tous âges et tous niveaux. 

À l’Université Populaire, le cours dure un an, ce qui donne le temps d’approfondir. Mon objectif est de transmettre mon expérience et cette compétence, qui peut sembler simple au départ, pour leur permettre de se lancer. J’interviens donc dans les écoles et aussi dans les entreprises. A présent, j’interviens aussi auprès d’adultes handicapés, là, mon objectif est de leur procurer le plaisir de mettre les mains dans la terre, de faire revenir des souvenirs aussi. Comme pour moi avec mes grands-parents !

 

De quelle manière jardines-tu avec les enfants ?

J’aime beaucoup, par exemple, faire observer un compost bien vivant : on met un groupe d’enfants autour et ça peut les occuper pendant une heure facilement ! J’aime leur faire prendre conscience de tous ces êtres vivants.

Mais je choisis des approches différentes suivant l’âge des enfants. A la crèche, en dessous de 3-4 ans, le concept de faire pousser des choses ne leur est pas vraiment accessible, car ils n’ont pas encore la notion du temps. On travaille sur les sens, en particulier le toucher. Et l’observation des petites bêtes.

Les plus grands, j’aime les sensibiliser à l’aspect nourricier et pour cela, il est important qu’il y ait du résultat ! C’est absolument génial, pour la plupart, c’est la première fois qu’ils voient des légumes pousser en vrai, des tomates, des choux-fleurs… Le plus important, c’est leur montrer que les légumes poussent, tout simplement, qu’ils n’ont pas été fabriqués dans une usine ! Et que c’est grâce à la nature que nous avons cette nourriture. Cette prise de conscience est essentielle et peut venir assez vite, en 2 ou 3 séances cela suffit. Je les fais goûter, pour leur montrer le trajet de la graine à l’assiette. Souvent, on dit que les enfants n’aiment pas les légumes, mais finalement, ils se trouvent à goûter un chou-fleur cru et à en redemander !

Plants de tomates dont le paillage au pied a permis de conserver l’humidité du sol

Et le jardin, ce ne sont pas que les plantes cultivées !

Bien-sûr ! Les grands (élémentaires), je leur fais goûter des plantes spontanées, chénopode ou amarante, que l’on qualifie souvent de « mauvaises herbes ». La dernière fois, les enfants ont adoré et sont repartis avec des bouquets pour manger chez eux ! Ou encore découvrir que l’on peut manger des fleurs : cela change complètement leur perception des plantes.

Quels sont les enseignements que l’on peut transmettre aux enfants par le jardinage ?

Beaucoup de notions du jardinage sont intéressantes à découvrir pour les enfants. Par exemple, celle de persévérance : on fait des essais qui ne fonctionnent pas toujours, mais il ne faut pas se décourager (et ça, c’est encore plus dur avec les adultes !). Pour les enfants, en fait, le plus dur, c’est la patience. Dans les premiers ateliers, les enfants demandent : « est-ce que ça va pousser demain ? » En voyant l’évolution des plantations, ils comprennent aussi mieux le fonctionnement des saisons. Certains enfants découvrent aussi que l’on n’a pas forcément besoin d’argent pour se nourrir. Ils demandent : « mais c’est gratuit ? ! »

Peux-tu observer un lien entre la pratique du jardinage et l’épanouissement des enfants ?

Pour cela, il faut que l’activité soit régulière. Dans certaines écoles, lorsque la maîtresse va une fois par semaine au jardin avec les enfants, je vois que cette habitude leur apporte de l’épanouissement. Chaque enfant trouve sa place : ceux qui vont voir ce qui a poussé, ceux qui observent les petites bêtes. Il y a aussi les rêveurs qui regardent le ciel et les fleurs…

 

A ton avis, faudrait-il un jardin dans toutes les écoles ?

Oui bien-sûr ! Ce qui est important, c’est que très vite, même tout petit, l’enfant apprenne à respecter le jardin. Au début, il y a facilement des dégâts, en particulier avec les Maternelles. Mais cela s’apprend ! Après, les enfants sont ravis d’aller voir comment ça pousse, ils s’approprient vite le jardin. Et l’on peut faire le lien avec beaucoup d’apprentissages. On peut faire de tout, des maths, du français… faire un potager en allemand !

Autre chose pour moi est important : qu’il y ait un compost. Cela permet de faire la boucle : montrer que les déchets organiques sont recyclés, puis re-enrichissent le sol. C’est très important dans la prise de conscience pour les enfants. Et les arbres fruitiers aussi : ils sont utiles et faciles à mettre en place, car ils demandent peu d’entretien. Il faut que les enfants puissent manger les fruits des arbres qu’ils voient pousser. Des arbustes vivaces, par exemple, les framboises c’est génial, les enfants adorent ! Les pommiers, ça marche bien aussi. Sans traitement, les pommes sont tout à fait mangeables, même si elles ont quelques tâches.  Je préconise aussi les haies, à la place des clôtures pour les écoles, ou au minimum, des plantes grimpantes.

Plants de lavande : très mellifères, ils attirent les pollinisateurs qui travaillent aussi pour le jardinier

Plants grimpants de haricots

Enfin, quels seraient tes conseils pour apporter de la biodiversité au jardin ?

Tout dépend comment on le gère. S’il y a un travail du sol intensif, même sans usage de produits herbicides, le jardin n’accueille aucune biodiversité : seuls les légumes poussent. Il faut le travailler juste un peu, au moment où l’on veut le cultiver : un sol doit être décompacté, non retourné. Et ne jamais laisser le sol à nu !

Il semble que si tous les particuliers transformaient leur jardin en havre de biodiversité, on pourrait inverser la tendance de la chute des espèces ! Même un tout petit bout de jardin recèle un potentiel intéressant.

Mais un jardin ne peut accueillir une belle biodiversité que si l’on laisse un peu de sauvage s’y développer. Par exemple, des orties ! Les enfants apprennent très vite à ne plus se faire piquer. Et une piqûre d’ortie ne représente aucun danger ! Or elles sont un hotspot de biodiversité : on y trouve plein de pucerons, de chrysopes…

Activités de jardinage à l’école élémentaire
Édouard Branly  en octobre 2023

Ensuite : réduire les tontes, pour que les fleurs apparaissent. Il faut savoir aussi que pour les pollinisateurs, une fleur ne vaut pas une autre fleur ! Les fleurs ornementales, comme les tulipes, ne présentent pas d’intérêt particulier pour eux. Les meilleures fleurs sont celles qui poussent toutes seules, comme les pissenlits. Et les légumes, il faut en laisser quelques-uns monter en fleurs, qui attirent les pollinisateurs. Puis en graines, pour la saison suivante !

C’est en pratiquant le jardinage que l’on découvre tout cela. C’est aux adultes d’apprendre à changer de regard, en particulier sur les insectes, ou les limaces, pour ne plus en avoir peur. Afin de permettre aux enfants de changer aussi…