Mot de la promo proposé par ManonBOLLEY et Allan ROYER, éco-conseillers en formation | P34

Dans un contexte de réduction de l’impact environnemental des activités humaines, le sport passe bien souvent à la trappe. Les grandes compétitions internationales ne sont pas pour autant moins polluantes qu’une activité industrielle. Entre greenwashing, engagements et réelles ambitions, le sport de haut niveau pourra-t-il perdurer en l’état ? Venez découvrir la face cachée du sport. 

Lorsqu’on pense sport, on ne pense pas souvent aux impacts sur l’environnement qu’il provoque directement et même indirectement. Le sujet de l’impact écologique est bien souvent oublié : il n’apparaît que très rarement dans les articles de sport alors qu’il n’est pas des moindres. Malgré tous les bienfaits du sport, la manière dont il est pratiqué n’est pas toujours éco-responsable et l’entraînera à être repensé pour répondre aux questions climatiques.

Rarement mentionnées, les compétitions mondiales (qui sont parfois très nombreuses : 3 compétitions mondiales pour le volley) et continentales ont forcément un impact écologique important, que ce soit pour le déplacement des équipes/joueurs mais aussi des supporters/spectateurs ou l’organisation sur place.

Alors que la France a signé l’Accord de Paris sur le climat, pouvons-nous faire des sportifs de haut niveau une exception ? Quels sports pourraient être remis en question ?

carton rouge
Le rôle des grands événements sportifs dans la transition écologique

Les grandes compétitions internationales contribuent à la notoriété du sport. Revers de la médaille, elles ont un impact environnemental souvent désastreux. De plus en plus d’organisateurs prennent en compte ces enjeux de développement durable avec plus ou moins de crédibilité.

Le Tour de France en chiffres
  • 216 000 tonnes de CO2 émis pendant les 3 semaines de compétitions en 2021
  • 6 millions de googies distribués en 2022 (contre 18 Millions en 2019) par la caravane publicitaire
  • 180 camions pour transporter la logistique chaque jour
  • 3 tonnes de déchets collectés en 2019 dans les 34 villes-étapes
  • 6000 à 7000 litres d’eau aspergés sur les routes en moyenne par an

La place du sport dans l’économie

Le cœur du problème, c’est l’enjeu économique. Est-ce plus éthique de payer des millions d’euros un agriculteur qui produit nos ressources alimentaires et donc nous permet de vivre ou une personne qui court après un ballon pour nous divertir ? Jusqu’où la professionnalisation du sport reste-elle décente ? Rappel : l’objectif 1er du sport reste le plaisir et la sociabilisation. 

Il existe un lien entre la popularité d’un sport, sa production de richesse et la pollution qu’il engendre. Plus il est populaire et plus le public se déplace en nombre, celui-ci représente une cible de choix pour les publicistes qui augmentent leur communication et du coup participent à la médiatisation du sport. Cela provoque ainsi un effet boule de neige qui pousse les citoyens à la consommation et par conséquent à augmenter leurs émissions de CO2.

Le sport professionnel s’est transformé en un spectacle qui tend à se familiariser (s’identifier à une équipe) pour constituer une communauté avec le public. Celui-ci est interpellé comme consommateur et non plus comme citoyen. Les clubs qui organisent des « shows » (matchs) sont de réelles entreprises, ils n’ont plus pour simple objectif l’épanouissement des individus mais visent à en tirer un maximum de profits au détriment parfois des valeurs du sport. Ces clubs deviennent des machines à produire des dividendes : c’est ce qu’on appelle la marchandisation du sport.

Stade illuminé

Le Tour de France est-il éco-responsable ?

Amaury Sport Production (ASO) est l’entreprise organisatrice de nombreux événements sportifs à rayonnement international comme le Tour de France. Évènement très polluant avec 216 000 tonnes de CO2 émises sur les 3 semaines de compétition en 2021, ASO souhaite verdir son image. Pour ce faire, elle promeut la mobilité à vélo à coup de campagnes publicitaires. Elle s’associe également avec des entreprises pour le reboisement des forêts : c’est ce que l’on appelle la compensation carbone. D’un côté j’émets du CO2 et de l’autre je plante des arbres qui captent le carbone. Le problème est qu’il faut planter 2 à 4 fois plus d’arbres que ceux arrachés donc avec la difficulté pour trouver l’emprise foncière.

Enfin, ASO a signé la charte des 15 engagements écoresponsables des organisateurs d’évènements soutenue par le ministère des Sports. D’après Jean-Baptiste Durier, ancien Directeur RSE pour ASO, l’objectif est d’atteindre 100 % de véhicules suiveurs électriques en 2024. Alimentation plus durable, réduction des déchets, réduction des plastiques, lutte contre les discriminations, sensibilisation ou encore préservation des sites naturels, sont les principaux engagements de cette charte.

La majeure partie des émissions de CO2 proviennent du transport et de la logistique. Ce sont des centaines de véhicules qui traversent la France pendant 3 semaines. Chaque équipe professionnelle se déplace avec camion, camping-car, véhicules utilitaires et plusieurs voitures. Si ASO peut agir directement sur l’organisation de l’événement pour être plus vert, cela reste plus difficile concernant ces équipes. En effet, 21 étapes pour quasiment autant de nuitées dans un hôtel différent. Cette itinérance impliquerait une réorganisation très lourde et une plus grande rigueur qui pour l’instant est dévolue à la performance sportive plutôt qu’à l’environnement. Ainsi on peut constater des déchets qui ne sont que trop peu souvent triés, un gaspillage alimentaire très présent ou une gestion de l’eau très peu économe (utilisation de l’eau après chaque étape pour nettoyer les véhicules alors que le pays entier est en alerte sécheresse). C’est souvent le bilan que l’on peut faire dans les hôtels qui accueillent ces équipes.

La Coupe du monde de football au Qatar en 2022 et les Jeux Olympiques Asiatique d’hiver en Arabie Saoudite en 2029

Pour ces 2 évènements la logique des pays organisateurs est la même. Montrer au monde la puissance du génie humain qui va au-delà des limites de son environnement, un génie qui s’adapte coûte que coûte grâce à l’aide d’un outil merveilleux : la technologie.

Construire des stades climatisés dans le désert alimenté par un champ de panneaux solaires pour l’un, ou construire une mégalopole futuriste dans un désert montagneux pour l’autre, l’aberration écologique est la même. Malgré tout, leur ambition affichée est la neutralité carbone, sans pour autant fournir des éléments techniques précis. Outre la construction, ce sont les transports qui sont particulièrement émetteurs de CO2 où des centaines de milliers de spectateurs prendront l’avion pour assister à ces événements.

Malheureusement il n’y a pas que le côté écologique qui pose problème. Concernant le Qatar, on peut parler de désastre humain avec des milliers de morts lors de la construction des stades et des droits des travailleurs bafoués.

La futur coupe du monde de football en 2026 ne prend pas non plus le chemin de la sobriété puisqu’elle sera organisée aux États-Unis au Canada et au Mexique, 16 villes réparties sur 3 pays, avec un format à 48 équipes au lieu de 32, ce qui implique plus de trajets en avion et un bilan carbone d’autant plus important.

Finalement, il est encore nécessaire d’argumenter chiffres à l’appui que la manière d’organiser ce type d’évènement est un non-sens pour l’environnement. La transition écologique ne serait-elle pas avant tout une question de bon sens ? Alors organiser des JO d’hiver ou une coupe du monde dans des pays désertiques au climat aride envoie un message délétère à la communauté internationale. Au contraire, les Etats devraient montrer l’exemple pour convaincre la population et respecter l’engagement de réduire drastiquement nos émissions de CO2 d’ici 2050.
La coupe du monde du Qatar en chiffres
  • 3 milliards de téléspectateurs
  • 1,3 millions de spectateurs attendus
  • 7 des 8 stades prévus climatisés
  • 6500 travailleurs sont morts sur les chantiers

Le rôle des sportifs professionnels

Face à ces atteintes intolérables à la planète et aux libertés humaines, de plus en plus de sportifs professionnels s’engagent pour un sport plus écoresponsable.

Certains anciens footballeurs professionnels comme Philippe Lahm et Eric Cantona ont choisi de boycotter la coupe du monde au Qatar, même si l’on regrette qu’aucun footballeur en activité et susceptible d’y participer ne se soit opposé à cet événement. En effet, aujourd’hui qu’on le veuille ou non la parole d’un Kylian Mbappé à 100 fois plus d’impact que celle de tous les scientifiques réunis. Ce n’est sans doute pas réaliste, mais à lui seul il pourrait bouleverser la vision d’une grande partie de la population. Heureusement il existe des sportifs professionnels qui communiquent en faveur de l’environnement, comme Nikola Karabatic, l’un des meilleurs handballeurs français, qui s’est engagé auprès de plusieurs associations et pour faire évoluer son sport, ou encore comme le traileur britannique Andy Symonds qui a décidé de faire passer son bilan carbone avant sa carrière en refusant de participer aux Mondiaux en Thaïlande. Voilà un signe fort, la transition écologique passe aussi par certains renoncements.

Le rayonnement du sport professionnel

Une nécessaire évolution des mentalités permettrait à ces événements sportifs de rayonnement mondial de montrer l’exemple en matière d’environnement. Le monde du sport professionnel ne peut pas être exempté de sa responsabilité environnementale en faveur uniquement de la performance sportive.

On ne parle pas ici d’arrêter l’organisation de ces événements, mais plutôt de se questionner sur son modèle de fonctionnement. La pratique du sport est indispensable pour avoir une bonne santé physique et mentale, elle doit être encouragée. Le sport professionnel via la médiatisation de grands événements permet d’inspirer les amateurs, de donner envie de pratiquer.

Un équilibre est à trouver entre l’incitation à la pratique et la marchandisation du sport professionnel avec la pollution qu’elle engendre. Tout serait question d’arbitrage…

Bilan général dans le sport de haut niveau des pollutions provoquées par ces nombreux entraînements et compétitions 

Matchs et compétitions Entraînements Chiffres / Exemples
Déplacements Déplacement en avion pour les compétitions nationales et internationales Déplacement quotidien en voiture pour s’entrainer Le PSG qui se déplace en avion même pour les petits déplacements
Dotation Nouveaux maillots car nouveaux design (sponsors) Course à celui qui aura les meilleurs équipements (plus nombreux, plus esthétiques). Renouvellement des maquettes pour avoir quelque chose de plus beau Nouvelle dotation pour chaque joueur chaque année

Equipements

/Infrastructure

Construction des stades dans des pays inadaptés (modification des paysages et destructuration de la biodiversité) Ballons/balle, stades, filet, poteaux, raquettes, à maintenir (arrosage de la pelouse, achat), renouvellement de l’équipement 20 courts pour Roland Garros , 36 000 litres/an pour arroser la pelouse du Stade de France
Déchets Bouteilles d’eau en plastique (souvent pas vides donc gaspillage d’eau), flyers, gobelets Déchets liés aux blessures (Staps) Les footballeurs qui ne prennent qu’une gorgée et jette la bouteille au sol sans la refermer. 11 tonnes de déchets après un match à Lyon
Déchets alimentaires Les buffets sont préparés par des restaurants. Les repas d’après matchs sont fait par les clubs Entre septembre 2019 et août 2020, l’OM a offert 22 tonnes de denrées non consommées à la banque alimentaire
Médias Publicité internet et papier, retransmission des matchs Réseaux sociaux
Energie Lumière, retransmissions des matchs, nouvelles technologies obligatoires (VAR), climatisation Lumière, remonte pente, sports où le matériel/équipement demande de l’énergie Pour un match, il faut 100 000 kWh d’électricité (lumière, retransmission, …)
Autre type de pollution Pollution sonore, pollution liées aux spectateurs (déplacements) Pollution lumineuse Pour la coupe du monde Qatar : 160 vols par jour pour les supporters venant de pays voisins

Sources

  1. Kokabi A.-R. (19 Mars 2021). Football : Coupe du monde au Qatar, un désastre humain et écologique. Consulté le mercredi 12 octobre 2022 dans https://reporterre.net/Football-Coupe-du-monde-au-Qatar-un-desastre-humain-et-ecologique
  2. Paris2024. Ambition environnementale. Consulté le mercredi 12 octobre 2022 dans https://www.paris2024.org/fr/heritage-ambition-environnementale/
  3. Charrier P. (13 juillet 2022). Au Tour de France, la course au bilan carbone. Consulté le mercredi 12 octobre 2022 dans https://www.la-croix.com/Sport/Au-Tour-France-course-bilan-carbone-2022-07-13-1201224763
  4. LAUGIER J. (15 septembre 2022). Trail : le britannique Andy Symonds renonce aux mondiaux en Thaïlande pour éviter d’aggraver son bilan carbone. Consulté le mercredi 12 octobre 2022 dans https://www.20minutes.fr/sport/4001326-20220915-trail-britannique-andy-symonds-renonce-mondiaux-thailande-eviter-aggraver-bilan-carbone 
  5. ROBLIN Y. (17 juillet 2022). “Le chiffre de 10 000 litres d’eau est fantaisiste » : le Tour de France se défend d’arroser les routes « de manière inconsidérée ».  Consulté le mardi 25 octobre 2022 dans https://www.tf1info.fr/sport/canicule-tour-de-france-2022-le-chiffre-de-10-000-litres-d-eau-est-fantaisiste-l-organisation-se-defend-d-arroser-les-routes-de-maniere-inconsideree-2226716.html
  6. FERRISI M. (5 novembre 2021). Top 10 des sportifs français engagés pour la protection de l’environnement. Consulté le mercredi 12 octobre 2022 dans https://ecolosport.fr/blog/2021/11/05/top-10-des-sportifs-francais-engages-pour-la-protection-de-lenvironnement/ 
  7. RODRIGUEZ J. (10 décembre 2020). Le tour de France, un monument national tourné vers un avenir plus vert. Consulté le mercredi 12 octobre 2022 dans https://hubinstitute.com/2020/Sustainable/SustainableParisForum/Transformation/Replay-JeanBaptisteDurier-TourDeFrance-AmaurySport-Velo-Environnement-Pollution-SustainableCities
  8. MICHAELS N. (6 septembre 2022). Coupe du monde de football au Qatar : un signal désastreux pour la planète. Consulté le mercredi 12 octobre 2022 dans https://www.geo.fr/environnement/coupe-du-monde-de-football-au-qatar-un-signal-desastreux-pour-la-planete-209896
  9. MORITZ P. (5 octobre 2022). Plus jamais ça : l’aberration écologique du mondial 2022 au Qatar. Consulté le mercredi 12 octobre 2022 dans https://www.blast-info.fr/emissions/2022/plus-jamais-ca-laberration-ecologique-du-mondial-2022-au-qatar-Oh0Fm_dnTL20VYnumDmxzA
  10. BOURGEOIS N. (30 septembre 2002). Le sport, les médias et la marchandisation des identités.  Consulté le mercredi 19 octobre 2022 dans https://www.erudit.org/fr/revues/socsoc/1995-v27-n1-socsoc135/001090ar/  
  11. L’humanité (10 février 2009). Le sport français gangrené par la marchandisation. Consulté le mercredi 19 octobre 2022 dans https://www.google.com/amp/s/www.humanite.fr/node/410835%3famp 
  12. Jean-Marie. (17 juillet 2019). Le vrai impact écologique du Tour de France. Consulté le mardi 25 octobre 2022 dans https://www.consoglobe.com/le-vrai-impact-ecologique-du-tour-de-france-cg
  13. DELOMEZ G. (29 septembre 2022). Mondial au Qatar : plus de 160 vols par jour pour les supporters venant des pays voisins. Consulté le mardi 25 octobre 2022 dans https://www.google.com/amp/s/www.europe1.fr/sport/mondial-au-qatar-plus-de-160-vols-par-jour-pour-les-supporters-venant-de-pays-voisins-4137596.amp 
  14. Service Checknews. (6 septembre 2022). Déplacements du PSG : quels sont les arguments du club pour refuser le train ?. Consulté le mardi 25 octobre 2022 dans https://www.google.com/amp/s/www.liberation.fr/checknews/deplacement-du-psg-quels-sont-les-arguments-du-club-pour-refuser-le-train-20220906_TUMRAQQIAFE6VMYQC3FA3FXDHY/%3foutputType=amp 
  15. JUCHA N. (26 mai 2017). Les joueurs qui ne boivent qu’une gorgée avant de jeter leur bouteille par terre. Consulté le mardi 25 octobre 2022 dans https://www.sofoot.com/les-joueurs-qui-ne-boivent-qu-une-gorgee-avant-de-jeter-leur-bouteille-par-terre-443419.html 
  16. TRAVERS M. (9 février 2018). Ecologie : bilan énergétique d’une finale de foot. Consulté le mardi 25 octobre 2022 dans https://www.90min.com/fr/posts/5973171-ecologie-bilan-energetique-d-une-finale-de-foot 
  17. PISTORIUS M. (3 décembre 2022). Clubs de foot et banques alimentaires : des partenariats contre le gâchis alimentaire.Consulté le mardi 25 octobre 2022 dans https://www.euractiv.fr/section/soci-t/news/clubs-de-foot-et-banques-alimentaires-des-partenariats-contre-le-gachis-alimentaire/ 
  18. DE FALLEUR E. (30 juin 2022). Voici les chiffres à connaître pour tout savoir du Tour de France 2022. Consulté le mardi 25 octobre 2022 dans https://www.dhnet.be/sports/cyclisme/tour-de-france/2022/06/30/voici-les-chiffres-a-connaitre-pour-tout-savoir-du-tour-de-france-2022-AQ5FGVF22NH2VG52CAPUP3JEGU/