Financer la solidarité internationale pour un avenir durable
Proposé par Amal ELASRI et Andrew Christophe BACH BOURDELIER
Étudiantes du Mastère Spécialisé® Éco-conseiller | P36
Introduction
Alors que les défis environnementaux s’intensifient et que la transition écologique devient une priorité mondiale, les besoins de financement pour soutenir les pays en développement se font de plus en plus pressants. La solidarité internationale, qui vise à promouvoir un développement durable et à accompagner les pays vulnérables dans leur lutte contre le changement climatique, est un enjeu central pour répondre aux crises écologiques et sociales actuelles.
En effet, l’atteinte des Objectifs de Développement Durable (ODD) de l’ONU, fixés à l’horizon 2030, et la mise en œuvre des engagements de l’Accord de Paris nécessitent des ressources financières colossales, essentielles pour réaliser des avancées dans des domaines tels que la lutte contre la pauvreté, les inégalités, l’éducation, la santé et l’environnement. [1]
Le présent article explore les outils actuels de financement de cette solidarité internationale, leurs limites et perspectives dans le cadre de la transition écologique et du développement soutenable.
L’aide publique au développement (APD)
Depuis des décennies, l’aide publique au développement (APD) constitue le principal mécanisme de financement de la solidarité internationale. Il s’agit de ressources financières fournies par les pays riches pour soutenir le développement économique et social des pays à faible revenu. [2]
En 2023, des pays comme la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni continuent de contribuer à l’APD avec l’objectif d’atteindre, voire dépasser, la recommandation de 0,7 % du RNB établie par les Nations unies. La France, par exemple, oriente une part de son aide vers des projets liés à la transition écologique dans les pays d’Afrique, en particulier en lien avec la souveraineté alimentation et l’éducation [3] et poursuit son engagement en matière de solidarité en faveur d’une transition écologique mondiale. [4]
Cependant, malgré les efforts déployés, l’aide publique au développement reste insuffisante pour répondre aux défis de la transition écologique. Le montant global de l’APD est loin de couvrir les besoins de financement estimés pour atteindre les objectifs de développement durable et respecter les engagements de l’Accord de Paris. De plus, la majorité des fonds alloués est souvent destinée à des programmes de développement général, avec une part encore limitée consacrée aux initiatives spécifiques à l’environnement et au climat.
Face à ce constat, il est indispensable de continuer à repenser cet aide pour la rendre plus efficace et plus orientée vers des actions favorisant la durabilité et la soutenabilité du développement des pays vulnérables. [5]
Les partenariats public-privé
Outre les financements publics, le secteur privé joue un rôle croissant dans le soutien à la transition écologique et au développement durable.
Des entreprises, banques et fonds d’investissement s’engagent de plus en plus à aligner leurs stratégies sur les principes de l’investissement responsable et les ODD. L’essor des investissements verts dans les secteurs des énergies renouvelables, de l’efficacité énergétique et de la gestion des ressources naturelles est un signe positif de l’implication du secteur privé dans la transition écologique.
Ainsi, le rôle du secteur privé et des partenariats public-privé (PPP) dans le financement de la solidarité internationale est essentiel pour mobiliser des ressources financières et techniques supplémentaires en faveur des projets de développement durable et de transition écologique. [6]
Les partenariats public-privé (PPP) se développent également pour financer des projets d’infrastructure durable dans les pays en développement, permettant de combler les déficits de financement.
Cependant, pour que ces investissements soient bénéfiques sur le plan environnemental et social, il est crucial d’établir des normes de durabilité strictes et de garantir une transparence totale dans la gestion des fonds.
Les gouvernements doivent également s’assurer que les projets financés par ces partenariats respectent les normes sociales et environnementales. [7]
Le financement climatique
Essentiel pour soutenir la transition écologique mondiale, le financement climatique concerne les ressources et instruments financiers qui répondent aux besoins des pays à faible revenu à adopter des pratiques à faibles émissions et à renforcer leur résilience aux impacts climatiques.
Il sert à financer des projets visant à réduire ou absorber les émissions de gaz à effet de serre. Les sources de ces financements peuvent être des fonds comme le Fond pour l’Environnement Mondial, le Fond Vert pour le Climat et le Fond pour l’Adaptation ou des institutions financières internationale telles que la Banque mondiale, la Banque africaine de développement ou la Banque interaméricaine de développement qui peuvent faire appel au marché financier à travers l’émission d’obligations vertes. [8]
Qu’est-ce qu’une obligation verte ? – Source : Ministère Territoire – Écologie – Logement
Les obligations vertes permettent de lever des capitaux auprès d’investisseurs privés pour des projets environnementaux spécifiques, tels que les infrastructures durables et les énergies renouvelables. Par exemple, les obligations vertes de la Banque mondiale [9] offrent aux investisseurs privés la possibilité de soutenir des initiatives écologiques avec des rendements financiers modérés, tout en contribuant aux objectifs environnementaux mondiaux. Les entreprises et investisseurs privés contribuent ainsi au financement de projets en faveur du climat, en particulier dans les pays en développement. [10]
Ce marché des obligations vertes est en pleine expansion et constitue une source de financement complémentaire pour la transition écologique.
Malgré l’importance de ces financements climatiques, des obstacles subsistent. Les fonds disponibles restent largement inférieurs aux besoins réels, estimés à plusieurs centaines de milliards de dollars par an pour faire face aux impacts du changement climatique. [11] En outre, les critères d’accès aux financements climatiques sont souvent complexes, rendant difficile pour les pays les plus vulnérables de bénéficier de ces ressources.
Afin de pallier cette complexité au niveau des états, le réseau mondial de cent grandes villes engagées dans la transition écologique (C40 cities) abouti à la mise en place d’actions locales. Il peut s’appuyer sur le C40 Cities Finance Facility (CCF) qui facilite aux villes l’accès au financement de projets d’atténuation et de résilience au changement climatique. [12]
Enfin, pour éviter le risque de greenwashing, il est essentiel de mettre en place des normes strictes et de renforcer les mécanismes de contrôle [13]
Conclusion
Le financement de la solidarité internationale est un levier indispensable pour soutenir la transition écologique et promouvoir un développement durable. Bien que des progrès aient été réalisés grâce à des mécanismes traditionnels et des innovations financières, les ressources restent insuffisantes pour répondre aux besoins croissants des pays en développement. [14]
Une coopération accrue entre les pays et un engagement plus fort du secteur privé sont essentiels pour assurer un financement adéquat et efficace au moment où les conséquences de l’urgence climatique sont visibles partout avec des impacts particulièrement forts en Afrique, Asie centrale et dans les îles. Cependant, certains sièges de la COP restent vides, notamment ceux des représentants de pays parmi les plus peuplés (Inde, Chine, Etats-Unis, Japon) laissant près de 3 milliards d’habitants sans voix dans les décisions qui façonnent leur avenir.
La transition écologique mondiale ne pourra se faire sans une solidarité internationale renforcée, fondée sur des principes de justice et de durabilité, pour construire un avenir plus équitable et résilient pour tous. [15]
Le président des Maldives souligne que les financements affluent pour soutenir les guerres, alors pourquoi ne pas faire autant pour appuyer la transition écologique ? De nombreux dirigeants africains sont unanimes : l’urgence climatique leur coute déjà cher et la situation ne fera qu’empirer. Aurons-nous besoin d’un nouvel « USA. For Africa » comme dans les années 80, ou les participants à la Cop 29 sauront faire porter leurs voix et trouver la voie ? [16]
Mot de la promo 35 | Amal ELASRI et Andrew Christophe BACH BOURDELIER – 3 décembre 2024
Sources mediagraphiques
1 OCDE (2024). Coopération pour le développement 2024 : Mettre la transition écologique au service de la lutte contre la pauvreté́ et les inégalités, Éditions OCDE, Paris, Lien
2 ONE. (s.d.). Aide publique au développement : le décryptage. ONE.org. Lien
3 Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères. (2024, 8 novembre). La France poursuit son engagement en matière de financements climatiques pour les pays en développement en 2023. Diplomatie.gouv.fr Lien
4 Focus 2030. (n.d.). La politique d’aide au développement de la France. Focus2030.org. Lien
5 Coordination du Sud (2024). PLF 2025 : Préserver la solidarité internationale et financer l’aide publique au développement. Coordination du Sud. Lien
6 GUANGZHE CHEN, (2024, 30 septembre). Le secret du succès en matière d’infrastructures ? Des PPP bien réglementés ! Banque Mondiale Blogs. Lien
7 International Bank for Reconstruction and Development / The World Bank. (2024). Benchmarking Infrastructure Development. Banque mondiale. Lien
8 Ministère de la Transition écologique. (2024, 03 octobre). Obligations vertes. Ministère de la Transition écologique. Lien
9 World Bank Group. (2018). From evolution to revolution : 10 years of green bonds. World Bank Group. Lien
10 World Bank Group. (s.d.). IBRD Green Bonds. Worl Bank Group. Lien
11 Programme des Nations Unies pour le développement. Climate Promise (s.d.). Qu’est-ce que le financement climatique et pourquoi faut-il l’augmenter ? Lien
12 PwC France. (2024, 16 février). Faire des obligations vertes un outil de financement digne de confiance. PwC France. Lien
13 C40 Cities (2024). Rapport annuel 2023 du C40 Cities. C40 Cities. Lien
14 Les Echos. (2024, 7 novembre). Climat : les milliards nécessaires à l’adaptation au réchauffement manquent toujours cruellement. Les Echos. Lien
15 The World Bank. Trends in Allocation & Impact Reporting. The World Bank Treasury. Lien
16 Le monde. (2024, November 13). COP29 : Developing countries call for action and funding. Le Monde. Lien
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