Nos bio-régions ont du talent


Proposé par 
Anaïs HERVELEU et Houyam LHASIBI
Étudiantes du Mastère Spécialisé® Éco-conseiller | P35

Introduction

Les biorégions, définies par leurs caractéristiques environnementales communes, sont des alliées cruciales de la transition écologique. En offrant un cadre permettant de comprendre les écosystèmes, elles facilitent la planification de mesures de conservation et de développement durable des ressources naturelles. Chaque biorégion influence les pratiques agricoles, les politiques de conservation et les choix énergétiques, favorisant ainsi une transition vers une économie plus verte.

En adoptant une perspective biorégionale, les populations peuvent mieux appréhender les défis écologiques actuels et futurs, tout en préservant la biodiversité et les cultures locales. Cette approche favorise une meilleure gestion de l’environnement, essentielle pour garantir la durabilité et la résilience face aux changements climatiques. En valorisant les biorégions, nous pouvons œuvrer vers un équilibre harmonieux entre les activités humaines et les écosystèmes, crucial pour une transition écologique réussie.

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Concept du biorégionalisme_Mot-promo35

Concept du bioregionalisme sur un hameau – La Vigotte-lab

I. Le concept des bio-régions

Définition du concept et caractéristiques majeurs

Le concept de bio-régionalisme est né dans les années 1970 en Californie, où il se définissait à partir des caractéristiques physiques du territoire et plus précisément à partir des bassins versants. Le fleuve, de la manière dont il entre dans la terre, façonne le territoire et permet à la vie de se déployer.

En Italie, d’autres théoriciens comme Alberto Magnaghi définissent une biorégion à partir des habitant·e·s qui vivent sur le territoire, la biorégion résultant alors “d’un acte d’amour entre la population et un site”. 1

Aujourd’hui, le concept de biorégions pourrait être une réponse face aux enjeux environnementaux et sociaux (surexploitation des ressources, changement climatique, érosion de la biodiversité, déclin de la démocratie etc). Une biorégion n’a donc pas une définition claire et inchangée ; il n’y a d’ailleurs pas encore de définition dans les célèbres dictionnaires Robert ou Larousse.

Une biorégion repose sur les écosystèmes et les interrelations permanentes entre les différents éléments qui la composent. Une biorégion est donc mouvante en fonction des éléments qui la caractérisent. Elle s’oppose donc aux régions administratives, comme nous les connaissons actuellement, qui ne sont pas délimitées par les limites naturelles mais par la législature2.
Nous pouvons d’ailleurs remarquer que certaines régions françaises actuelles sont plutôt nommées par rapport à leur position géographique sur la carte que par leurs caractéristiques naturelles : Grand-Est, Hauts-de-France, etc.

Les caractéristiques d’une biorégion peuvent se séparer en 2 éléments¹ :

  • celles physiques, l’environnement physique et matériel : topographie, climat, morphologie, etc.
  • celles immatérielles ou ce qui relèvent de la géographie humaine : pratiques, culture, religion, perception d’un groupe social qui aménage ce territoire.

Les interrelations entre ces éléments forment alors une biorégion. En d’autres termes, une biorégion est un espace habité par une communauté humaine qui prend en compte ce qui l’entoure pour y vivre (faune, flore, climat, continuités écologiques, etc).

Chaque biorégion est donc unique et reconnaissable grâce à ses caractéristiques homogènes : une situation géographique, des écosystèmes et des types de sols, une façon de vivre, etc. La biorégion possède aussi un aspect politique qui se caractérise par la volonté d’enracinement et d’autonomie des habitant.e.s, à l’inverse du modèle capitaliste et de métropolisation.
Par autonomie, il y a à la fois l’autonomie “de subsistance”, les habitant·e·s cherchant à utiliser durablement les ressources présentes (agriculture, eau, forêt, etc) sur le territoire et sont attachés au milieu dans lequel iels vivent ; et l’autonomie de “gouvernance”, les habitant·e·s formant une communauté, une unité sociale. 3

Intérêts et enjeux du concept

L’un des principaux intérêts de la biorégion réside dans sa capacité à reconnecter les habitants à leur environnement immédiat, en favorisant l’autonomie locale. Un nouveau découpage du territoire est une réponse aux crises écologiques actuelles, et permet une gestion plus durable des ressources naturelles, tout en respectant les limites écologiques du territoire. En s’appuyant sur des éléments naturels comme les bassins versants ou les écosystèmes forestiers, les biorégions permettent une gestion plus fine et respectueuse des ressources.

Les biorégions ouvrent la voie à une autonomie “de gouvernance”4, en offrant aux communautés locales la possibilité de gérer elles-mêmes les ressources de manière collective, en particulier les terres agricoles, les forêts et les cours d’eau. Le but est de créer une symbiose écologique entre les humain.e.s et leur environnement pour préserver les écosystèmes. En cela, la biorégion s’oppose aux « décors bétonnés et artificiels de nos environnements urbains »5 et métropolitains, accusés d’être à l’origine des catastrophes écologiques que nous connaissons aujourd’hui.

Les biorégions proposent de repenser notre rapport au territoire car « il n’y a pas de comportement écologique universel »6. Cela encourage une action locale et décentralisée pour mieux comprendre les ressources immédiates, tout en offrant « une infinité de manières d’agir »7. C’est une réponse locale aux enjeux climatiques mondiaux, visant à « sauver les parties pour sauver le tout »8.

Les biorégions visent à réorganiser les sociétés humaines en favorisant la durabilité écologique et la justice sociale. Elles reconnectent les habitante.s à leur environnement naturel tout en promouvant un modèle de gouvernance participatif et non centralisé. En cherchant à rompre avec la mondialisation et à « déverrouiller le système foncier »9, les biorégions encouragent une économie locale basée sur la gestion des communs, la décroissance des flux d’énergie et des pratiques coopératives.

En résumé, la biorégion n’a pas qu’un seul enjeu / intérêt écologique, mais un intérêt / enjeu politique et social, visant à décentraliser le pouvoir, relocaliser les activités, et repenser notre relation au territoire, à une échelle plus adéquate pour mieux répondre aux défis climatiques et environnementaux de demain.

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Redessiner nos territoires – Source : Kévin Deneufchatel

II. Les exemples de bio-régions

En France

De nombreux territoires testent le concept de biorégionalisme en France. Nous allons nous intéresser à un hameau en particulier, celui de La Vigotte, situé à Girmont-Val d’Ajol dans les Vosges, car nous avons eu la chance de le visiter et d’échanger avec les acteur·ice·s du projet lors de notre semaine de regroupement fin juin avec la promotion ECO-Conseil. Leur objectif est de “voir si cette théorie biorégionale peut être appliquée en vrai, sur un vrai terrain, un vrai territoire, avec de vrais gens, de vrais savoir-faire”. 10

Ce territoire de 30 hectares est un laboratoire à ciel ouvert qui allie des activités de production (pâtures pour la ferme, forêt gérée durablement alimentant la scierie en bois, permaculture, aquaponie), de tourisme (hôtel-restaurant, randonnée), de services (événements, réunions au sein d’un bâtiment éco-construit) ; ainsi qu’une dizaine de maisons accueillant une trentaine d’habitants.

Les besoins du territoire s’adaptent aux ressources disponibles sur celui-ci (bois, pâtures, eau). Par exemple, l’isolation des maisons est pensée à partir de ce qui est déjà disponible ici, comme le bois, ou qui pourra l’être, comme la production de plantes à fibres.

Forêt et pâtures à la Vigotte

Forêt et pâtures au sein du hameau La Vigotte –
Source : ECO-Conseil, juillet 2024

Carte gestion ressources naturelles - mot promo 35

Carte de gestion des ressources naturelles et des équipements de transformation de la Vigotte – Source : La Vigotte Lab (1)

Concernant la gouvernance, ce projet est résolument collaboratif, entre tous les acteur.ices du projet (habitant.e.s, entrepreneur.se.s, porteur.se.s du projet, etc) avec une grande ouverture vers l’extérieur par la formation, la diffusion de leur apprentissage et l’organisation d’événements.

Il s’agit donc d’une expérimentation prometteuse pour les années à venir, pouvant donner l’inspiration à d’autres territoires de se lancer !

À l’étranger

Ailleurs qu’en France, d’autres territoires testent aussi le concept de biorégionalisme en. Prenons en exemple la Biorégion de la Cascade-Sierra aux États-Unis. La Cascadia, nommée d’après la chaîne des Cascades, est une région du nord-ouest des États-Unis et du Canada. Elle possède une unité écologique et une forte identité culturelle : « un certain nombre d’habitants se considèrent avant tout comme ‘Cascadiens’ »12 et des événements, tels que le Cascadia Poetry Festival, renforcent ce sentiment d’appartenance.

Des groupes biorégionalistes se sont formés dans cette région avec la volonté de promouvoir les bienfaits des biorégions, une transition écologique, l’indépendance régionale et pour influencer les politiques locales pour un développement durable.

Conclusion

La notion de biorégions représente un cadre alternatif prometteur pour répondre aux enjeux écologiques et sociaux de notre époque. En réorganisant les territoires autour de leurs caractéristiques naturelles et de leurs écosystèmes, plutôt que sur des frontières administratives artificielles, elle permet une meilleure gestion des ressources locales tout en respectant les limites écologiques. En redonnant du pouvoir aux communautés locales, la biorégion favorise l’autonomie de subsistance et de gouvernance, en opposition aux modèles centralisés et capitalistes qui prédominent aujourd’hui. Cette approche encourage une transition vers des pratiques plus durables, adaptées aux spécificités de chaque région, tout en promouvant la solidarité, la justice sociale et la résilience face aux crises climatiques.

Les biorégions remettent également en question notre rapport à l’urbanisation excessive et à la mondialisation, en plaidant pour une relocalisation des activités humaines et une décroissance des flux d’énergie. Elles valorisent les savoirs locaux, les cultures et les pratiques traditionnelles, tout en soutenant des modes de vie respectueux de la biodiversité et des cycles naturels. En reconnectant les habitant.e.s à leur environnement immédiat, elles permettent une symbiose entre l’humain et la nature, ouvrant la voie à une relation plus harmonieuse et durable avec la planète. Ainsi, le concept de biorégions, en intégrant des enjeux écologiques, politiques et sociaux, se révèle être une clé pour construire un futur plus soutenable, en phase avec les besoins des écosystèmes et les aspirations des populations locales.

Mot de la promo 35 | Anaïs HERVELEU et Houyam LHASIBI – 3 octobre 2024

Sources mediagraphiques

1     Les     biorégions.     La     Terre     au     carré.     France     Inter,     16/03/2021.     54     min. https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-terre-au-carre/les-bioregions-2225035

 2  Les  biorégions,  une  alternative  écologique  aux  régions  administratives,  Reporterre : https://reporterre.net/Les-bioregions-une-alternative-ecologique-aux-regions-administratives (publié le 24/06/2021, consulté le 31/08/2024)

3 Les biorégions : une géographie plus respectueuse du vivant, La Relève et la Peste : https://lareleveetlapeste.fr/les-bioregions-une-geographie-alternative-pour-un-repeuplemen t-des-campagnes-plus-vertueux/ (publié le 10/08/2022, consulté le 31/08/2024)

4 Les biorégions : une géographie plus respectueuse du vivant, La Relève et la Peste : https://lareleveetlapeste.fr/les-bioregions-une-geographie-alternative-pour-un-repeuplemen t-des-campagnes-plus-vertueux/ (publié le 10/08/2022, consulté le 03/09/2024)

5 Les biorégions : une géographie plus respectueuse du vivant, La Relève et la Peste : https://lareleveetlapeste.fr/les-bioregions-une-geographie-alternative-pour-un-repeuplemen t-des-campagnes-plus-vertueux/ (publié le 10/08/2022, consulté le 03/09/2024)

6 La « biorégion »  : comment ce concept revient en force pour « réapprendre à habiter quelque                                           part                             »,                             Pioche                             : https://piochemag.fr/les-bioregions-une-proposition-radicale-pour-reapprendre-a-habiter-qu elque-part/ (publié le 30/07/2024, consulté le 03/09/2024 )

7 La « biorégion »  : comment ce concept revient en force pour « réapprendre à habiter quelque                                           part                             »,                             Pioche                             : https://piochemag.fr/les-bioregions-une-proposition-radicale-pour-reapprendre-a-habiter-qu elque-part/ (publié le 30/07/2024, consulté le 03/09/2024 )

8 La « biorégion »  : comment ce concept revient en force pour « réapprendre à habiter quelque                                           part                             »,                             Pioche                             : https://piochemag.fr/les-bioregions-une-proposition-radicale-pour-reapprendre-a-habiter-qu elque-part/ (publié le 30/07/2024, consulté le 03/09/2024 )

9 Gouvernement des biorégions : de l’hospitalité au temps des catastrophes, Institut Momentum                                                                                                                                                     :

https://institutmomentum.org/gouvernement-des-bioregions-de-lhospitalite-au-temps-des-catastrophes (publié le 17/11/2019, consulté le 3/09/2024)

10 La Vigotte Lab – la Vallée apprenante, Colab Studio, 12/06/2024. 5 min. https://www.youtube.com/watch?v=RYVt36KL8dY&t=324s&ab_channel=ColabStudio

11 Plan guide permacole de la Vigotte, La Vigotte Lab, 2024, 27 p. : https://lavigotte.fr/wp-content/files/2024/06/Plan-guide-diffusion-public-web.pdf

12 Celnik, J. (2016). La Cascadia, laboratoire du modèle biorégionaliste étatsunien. Revue Française d’études Américaines, N°    spécial          145(4),          117‑129. https://doi.org/10.3917/rfea.145.0117

 

 Pour aller plus loin

  • Ecologie des territoires, Transition & biorégions, sous la direction de Thierry Paquot, éditions Terre Urbaine, 2021, 250 p.
  • LA BIORÉGION URBAINE, Petit traité sur le territoire bien commun, Magnaghi A., éditions Eterotopia, 2022, 176 p.
  • Les Métropoles barbares, Faburel G., éditions Le Passager Clandestin, 2019, 431 p.
  • MOOC Biorégions : Comment habiter autrement la Terre, Archipel du Vivant : https://archipelduvivant.org/le-mooc-bioregion/
  • Pour en finir avec les grandes villes, Manifeste pour une société écologique post-urbaine, Faburel G., éditions Le Passager Clandestin, 2020, 160 p.
  • Qu’est-ce qu’une biorégion ?, Rollot M. & Schaffner M., éditions Wildproject, 2021, 152 p.