Isabelle COMBROUX, enseignante chercheuse en écologie à l’Université de Strasbourg, était invitée au Séminaire « Transformation des cours d’école : quelle place pour la nature ? » le 13 décembre à l’Ecole du Neufeld, organisé par la ZAEU (Zone Atelier Environnementale Urbaine – UNISTRA-CNRS), en partenariat avec la Ville de Strasbourg.
La question qui lui était posée était la suivante : est-il possible de restaurer l’écosystème de la cour d’école lors d’une opération de végétalisation, telle que proposée par la démarche Oasis ?

Pour comprendre ce qu’est la restauration écologique, quelques définitions préalables semblent nécessaires …
Qu’est-ce que l’écologie ? C’est la science qui étudie l’environnement et le fonctionnement des écosystèmes.
Qu’est-ce qu’un écosystème ? C’est un ensemble d’éléments non vivants (géographiques, physiques et chimiques) et d’éléments vivants, qui fonctionnent en interactions et évoluent dans le temps. Ce système a des propriétés de résilience : en conditions naturelles, il va revenir à l’équilibre après une perturbation.
Qu’est-ce que la résilience ? C’est le mécanisme qui permet à un écosystème, après un événement perturbateur (tempête, crue, incendie), qui l’a éloigné de son état « classique », de revenir de lui-même sur sa trajectoire initiale. Cela est possible, par exemple, grâce à la banque de graines présente dans le sol et à l’apport d’éléments extérieurs (par l’eau, le vent, les animaux).
Qu’est-ce la restauration écologique ? C’est le processus qui assiste l’auto-réparation d’un écosystème trop dégradé pour retrouver un bon état de santé par lui-même. On va la mettre en œuvre, en premier lieu, pour stopper la cause de la dégradation (par exemple une pollution) ou lorsque cette dégradation a été trop importante, ou encore pour accélérer le processus naturel. L’objectif est de déclencher des réactions de la part d’un écosystème, le remettre en route pour qu’il se débrouille ensuite tout seul.
Des opérations de restauration écologique ont été réalisées dans la région récemment sur :
- L’ancien site de la raffinerie de Reichstett (restauration d’une zone humide)
- Les axes routiers qui traversaient la forêt de Neuhof-Illkirch (débitumisation, décompactage du sol et apport de matière organique)
Quels ingrédients sont nécessaires pour assurer le succès d’une opération de restauration écologique ?
En premier lieu : est-il possible de stopper la dégradation ?
Enlever le bitume est indispensable, mais n’est pas toujours suffisant pour remettre en route le fonctionnement naturel du sol. Le piétinement régulier de la terre empêche la repousse de la végétation. Par exemple, dans une prairie, si la densité des bovins est trop grande, le sol sera compacté, ce qui empêchera le retour des végétaux.
Dans la forêt de Neuhof-Illkirch, l’étude des résultats six mois après les opérations montre que les zones où le sol débitumé a été décompacté se revégétalisent plus vite.
Ensuite : quel est l’état du sol qui est remis à l’air libre ?
Quelle est sa composition ? A Strasbourg, nous sommes dans la plaine alluviale du Rhin, le sol initial est un mélange de sable et de gravier, parfois d’alluvions. Sa fertilité n’est pas toujours optimale. Et qu’est-ce qui a été fait par la suite ?
Sur le plan végétal : existe-t-il encore une banque de graines ? A Reichstett, des études ont été faites sur des prélèvements de sol après 60 ans d’artificialisation, pour connaître le taux de présence de graines. Certaines zones ont eu besoin de semis, d’autres non.
Sur le plan de la vie animale du sol, quelle est la situation ? Qu’en est-il des micro-organismes décomposeurs : champignons, bactéries, indispensables à la bonne santé du sol ?
Mais avant tout : la cour d’école est-elle un écosystème ?
Les cours qui ont été transformées donnent à voir qu’il y a du vert : c’est esthétique, joli, mais on ne voit pas de connexion des végétaux avec l’extérieur. Par ailleurs, on a de la taille, pas de « libre évolution ». Il est donc plus raisonnable de considérer qu’il s’agit davantage d’horticulture. C’est un système qui est sous perfusion, qui voit l’action constante d’intervenants humains. Il serait donc plus correct de parler d’opération « d’ingénierie écologique » et que de « restauration écologique ».

Nymphes de pyrrhocores
La véritable question à se poser est la suivante : quels sont les services environnementaux attendus de la nouvelle cour d’école ?
- Réduire les îlots de chaleur
Des mesures en Alsace montrent les températures suivantes sur une même journée :
46° sur une surface bitumée – 41° sur une surface plantée gazonnée – 30° en lisière d’une prairie naturelle – 25° au centre d’une grande prairie naturelle
Le résultat va donc dépendre de la surface végétalisée, mais aussi de la fréquence de l’intervention humaine.
- Infiltrer l’eau de pluie
Pour obtenir de bons résultats, enlever le bitume ne suffit pas : sur une terre nue non végétalisée, une croûte se forme et lors de la pluie suivante, il n’y a plus d’infiltration de l’eau.

La cour de l’école maternelle de la Canardière au coeur de l’été. Les carottes sauvages se sont librement exprimées !
- Attirer les pollinisateurs
Il est important dans ce cas de choisir des plantes qui les attirent réellement : donc des semences locales et sauvages, qui vont fleurir quand l’insecte pollinisateur est là et qui lui sont adaptées. Les plantes horticoles ont souvent été sélectionnées pour le nombre important de pétales qu’elles produisent. Cela se fait au détriment de la quantité de nectar disponible pour les insectes. Il faut penser qu’ici, le client, ce n’est pas l’humain, c’est la nature, les petites bêtes.
En conclusion, on peut dire que si l’on ne peut pas restaurer un écosystème fonctionnel dans une cour d’école, on peut y faire de l’ingénierie écologique. Ce n’est pas le même métier que le paysagisme, mais ces deux métiers peuvent se rencontrer et ce sera alors du paysagisme écologique…
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