Webinaire proposé par Clémence POUCLET, éco-conseillère, spécialiste en santé environnementale, le 24 mars 2024.
De la médecine à l’approche « une seule santé » ou comment englober l’ensemble des déterminants de la santé.
Quand la médecine s’intéresse à la santé de l’individu et l’épidémiologie à celle d’une population, la santé environnementale cherche à appréhender l’ensemble des facteurs qui influent sur la santé humaine. Elle inclue ainsi les aspects liés au milieu de vie, qu’ils soient d’ordre physique, chimique, biologique, social ou environnemental.
Le concept « one health » s’est quant à lui développé lorsqu’il est apparu que cette approche globale n’était pas encore suffisante pour expliquer le fait que 60 % des maladies infectieuses humaines étaient d’origine animale (par exemple la maladie de Lyme ou le virus Zika). Une réflexion menée au niveau des agences des Nations Unies a dès lors proposé un cadre élargi pour considérer que la santé des humains était interdépendante de celle des animaux domestiques et sauvages, mais aussi de celle des plantes et des écosystèmes. La préservation et la restauration de la biodiversité apparaît dès lors comme un moyen de prévenir l’émergence des épidémies, animales comme humaines.
Quels liens établir entre les cours Oasis et la santé humaine ?
Les projets de végétalisation des cours d’école résonnent fortement avec l’approche « one health » et la santé environnementale, sur plusieurs axes particulièrement porteurs.
Une cour désimperméabilisée et végétalisée amortit les effets sanitaires liés aux fortes chaleurs et améliore la qualité de l’air.
Les canicules entraînent des effets plus ou moins connus sur la santé. Outre l’augmentation avérée du nombre de décès, les canicules aggravent les risques de troubles respiratoires. La hausse de la concentration en ozone*, provoquée par les températures élevées, produit un effet irritant sur les voies respiratoires. Par ailleurs, le potentiel allergisant du pollen des fleurs (dont la production est favorisée par la chaleur) s’accroit encore avec la pollution atmosphérique engendrée par le trafic routier.
Les canicules sont en outre un facteur d’altération de la santé mentale : augmentation des troubles de l’humeur, impacts négatifs sur le système hormonal et nerveux.
* ozone : formé de trois atomes d’oxygène (O3), l’ozone est un gaz naturellement présent dans l’atmosphère terrestre (la couche d’ozone qui protège des ultra-violets), mais est un polluant dans les basses couches de l’atmosphère (la troposphère) où il agresse le système respiratoire des animaux
A cet égard, le choix des revêtements de sol dans la nouvelle cour permettra de réduire le risque thermique. Remplacer les sols synthétiques (sols souples EPDM*, pelouses synthétiques) qui captent la chaleur, par des pelouses naturelles ou des copeaux de bois permet en effet d’améliorer le micro-climat de la cour.
Ce choix évite aussi d’exposer les enfants aux particules chimiques émises, en particulier sous l’effet de la chaleur, par ces matériaux composés de granulats de caoutchouc d’origine fossile, dont les effets allergisants et irritants sont bien documentés.
* EPDM : éthylène-propylène-diène-monomère : caoutchouc synthétique utilisé dans les aires de jeux pour amortir la chute
Pelouse synthétique et sols souples EPDM, école Michel-de-Montaigne, Trappes. CECILE BOUANCHAUD / LE MONDE
Une cour nature permet de lutter contre la pollution sonore …
Le niveau sonore d’une cour de récréation est estimé à 88 décibels (dB), ce qui est supérieur au seuil de risque pour l’audition fixé à 80 dB. L’exposition à ce seul niveau sonore pendant une heure nécessiterait plus d’une demi-heure de récupération. Les effets sur la santé d’une cour de récréation sont donc réels, en termes de fatigue et de stress pour les adultes comme les enfants, mais aussi de baisse de la concentration et de retard dans les apprentissages pour les élèves.
Les revêtements naturels perméables qui absorbent les bruits de choc et une végétation plus dense capable de réduire la diffusion du son favoriseront donc le climat scolaire… tout en offrant aux enfants le loisir de développer des activités plus calmes !
La cour de récréation correspond à un niveau sonore de 88 dB, supérieur au seuil de risque pour l’audition. JLBI acoustique
… de passer du temps dehors à la lumière naturelle
En journée comme en soirée, les enfants sont la plupart du temps exposés à la lumière artificielle. Or seule la lumière naturelle permet un fonctionnement satisfaisant de l’horloge biologique de l’être humain. L’éclairage artificiel perturbe en effet la sécrétion de la mélatonine, surtout lorsqu’il est riche en lumière bleue (très présente dans les LED des écrans), créant un effet de décalage horaire permanent. Les troubles engendrés par ce déséquilibre sont nombreux : irritabilité, fatigue, altération de la qualité du sommeil, troubles hormonaux, de l’attention et hyperactivité.
Les éclairages artificiels sont en outre impliqués dans une baisse de la vision, surtout pour les enfants, dont le cristallin, encore immature, ne filtre pas correctement la lumière bleue.
En facilitant les temps d’activité en extérieur, la cour nature va permettre aux enfants d’augmenter leur temps d’exposition à la lumière du soleil, qui luttera aussi contre la carence en vitamine D !
… et au contact avec la nature
Le contact avec la terre améliore et diversifie le microbiote* de l’enfant, permettant de renforcer son système immunitaire. En lui donnant le loisir de gratter, creuser, jouer avec la terre, la cour végétalisée aura ainsi un effet positif contre les risques d’apparition de pathologies chroniques telles que le diabète et l’obésité, de troubles neurologiques, mais aussi le développement d’allergies.
Cour végétalisée et transformée de l’école élémentaire de la Canardière à la Meinau (Strasbourg)
Quels effets des Cours Oasis sur la santé animale ?
En favorisant la santé des mammifères que sont les petits humains, les cours Oasis sont un moyen intéressant d’aider aussi les autres espèces animales.
Qu’est-ce que « l’effet dilution » ?
Cette notion aide à comprendre comment les phénomènes de dégradation des habitats naturels (comme la déforestation), de croissance de l’élevage intensif et de la monoculture, mais aussi d’urbanisation et de mondialisation des échanges ont accéléré le développement important des zoonoses*.
En érodant gravement la diversité biologique, le cumul de ces pressions d’origine humaine a réduit la présence des hôtes « cul-de-sac » qui sont porteurs sains et ne transmettront pas la maladie (par exemple les chevreuils et les oiseaux s’agissant du virus de Lyme, quand les rongeurs, infectés par les tiques, le transmettent).
Favoriser la diversité biologique (des espèces, des écosystèmes et de leurs interactions) constitue donc un moyen efficace de lutter contre la prolifération des espèces vectrices et donc la propagation des maladies.
*maladie ou infection (virus, parasite, bactérie) naturellement transmissible (voie directe ou vecteur) des animaux vertébrés à l’homme
Effet de dilution sur la transmission de la maladie de Lyme avec une souche B. burgdorferi spécialiste des rongeurs. Source : Kevin Tougeron. https://www.ficsum.com/
La cour Oasis, en offrant des habitats pour la petite faune (oiseaux, petits mammifères, insectes, reptiles) grâce à une végétation plus dense, des espaces en pleine terre et des abris que l’on aura fabriqué (tas de bois, muret de pierres, haie sèche), pourra contribuer à faciliter le déplacement et l’installation des espèces sauvages présentes en ville.
Abri à hérisson, Refuges LPO Infos, n° 16
Un luminaire peut entraîner la mort par épuisement ou prédation d’environ 150 insectes en une seule nuit. Papillons de la pyrale du buis attirés par un lampadaire. Wikipedia, classiccardinal
La cour nature peut contribuer à réduire les impacts sur la faune de la pollution sonore et lumineuse
Un niveau de bruit trop important n’est pas source de stress pour les seuls humains. En impactant la communication, la vigilance auditive, le déplacement, le nourrissage des petits, il entraîne aussi le déclin des populations animales en ville. La réduction du volume sonore dans l’école et aux alentours sera ainsi également positif pour les animaux non humains habitant la ville.
De même, l’amélioration de la couverture végétale pourra atténuer les effets de la pollution lumineuse sur la faune nocturne, comme diurne.
Une grande majorité des animaux sont en effet actifs, en totalité ou en partie, durant la nuit ou à la tombée du jour. L’éclairage artificiel est en conséquence à l’origine de nuisances considérables pour eux, bouleversant leurs comportements et les interactions entre espèces (par exemple en augmentant la prédation).
La pollution lumineuse est en particulier responsable, avec le développement des pesticides, de l’extinction massive des insectes volants. Comme pour les humains, la lumière artificielle dérègle les rythmes biologiques, perturbant aussi le sommeil des espèces diurnes.
Quelles interactions entre Cour Oasis et santé végétale ?
A la base du projet, l’accueil d’arbres, arbustes, arbrisseaux, herbacées et autres plantes grimpantes dans la cour de d’école pourra enfin apporter sa part à l’amélioration de la santé végétale de la ville.
Le jardin de pluie, capte et filtre les eaux de pluie. Il retient l’eau temporairement le temps qu’elle s’infiltre dans le sol. Jardin de pluie imaginé par Marie Simon, architecte, pour l’école maternelle Albert Legrand.
Restituer l’eau de pluie au sol en rendant à nouveau les sols perméables est un axe majeur de la démarche Oasis. Il s’agit non seulement de lutter contre les risques d’inondations, mais aussi de favoriser le rechargement régulier de la nappe phréatique.
Ce processus sera naturellement aussi favorable à la santé des végétaux implantés dans la cour qui, à leur tour, permettront aux sols de conserver l’humidité, grâce à leur système racinaire. Le feuillage des arbres, lorsqu’ils auront poussé, rafraîchira l’atmosphère, grâce au phénomène de l’évapo-transpiration.
Dans un cercle vertueux, la résistance des végétaux à la sécheresse devrait en être améliorée.
En respectant quelques règles, la végétalisation de la cour pourra soutenir la biodiversité locale et faciliter son adaptation au changement climatique.
l est important dans cette optique de favoriser des espèces locales, première ressource alimentaire de la petite faune locale, en particulier les pollinisateurs.
Ensuite, diversifier autant que possible les espèces, dans l’objectif de créer un petit écosystème résilient. Il faut savoir que, dans une prairie, par exemple, plus le nombre d’espèces est élevé, plus la prairie est résistante à la sécheresse.
De même, il est intéressant disposer de toutes les strates végétales (arborescente, arbustive, herbacée, grimpante) pour offrir des abris nombreux et diversifiés aux petits animaux, insectes en particulier.
Ecole Albert Legrand élémentaire à Strasbourg : présence d’arbres, de buissons, d’herbes hautes, les différentes strates réunies.
En conclusion, au vu de l’ensemble des bénéfices qu’elle apporte, la végétalisation des villes mérite d’être regardée comme une véritable politique de santé publique. A cet égard, les projets de transformation des cours d’école ont tout leur rôle à jouer !
Visionner l’intégralité du Webinaire de Clémence POUCLET sur You Tube en cliquant sur ce lien :
https://www.youtube.com/watch?v=AxY_M9TH97s
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