Et si on réinventait la mobilité avec les véhicules légers ?


Proposé par 
Louise BANNWARTH et Fanny LINTZ
Étudiantes du Mastère Spécialisé® Éco-conseiller | P36

Introduction

En 2019, les français passent chaque jour 1h02 à se déplacer en moyenne et 62 % de ces trajets sont réalisés en voiture[1]. Pourtant, près de 40 % de ces trajets concernent des distances inférieures à 5 kilomètres[2]. Avec 85 % des ménages équipés d’au moins un véhicule[3], le trafic routier s’est très largement intensifié, entraînant congestion des villes, pollution de l’air, émissions de gaz à effet de serre, artificialisation des sols, mais également une forte dépendance aux mobilités individuelles et flexibles.

Alors que la fin des moteurs thermiques est programmée pour 2035, la transition vers la voiture électrique est souvent présentée comme une solution miracle. Cependant, Aurélien Bigo nous alerte sur les limites de ce nouveau modèle de mobilité, notamment car la consommation massive de matières premières nécessaires à l’électrification complète du parc automobile exercerait une forte pression sur les ressources naturelles.

Face à ces enjeux, les véhicules intermédiaires émergent comme une alternative crédible. Sont-ils une solution durable pour décongestionner nos villes ? Nous verrons dans cet article en quoi ils consistent et quels sont leurs avantages. Ensuite, nous aborderons les défis à relever pour démocratiser ce mode de déplacement, et exposerons deux exemples concrets de véhicules.

8ème mot de la promo 36

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I. Les véhicules intermédiaires, qu’est-ce que c’est ?

Les véhicules intermédiaires désignent une catégorie de moyens de transport situés à mi-chemin entre la voiture et le vélo. Ce sont des véhicules légers, pesant moins de 600 kg, qui regroupent une grande diversité de modèles adaptés à des besoins variés.

Pour développer ces nouveaux modèles, une impulsion institutionnelle et associative est nécessaire. Depuis 2022, l’ADEME pilote un programme ambitieux sur trois ans visant à encourager de nouveaux modes de transport légers et accessibles. Ce dispositif comprend des aides financières pour les particuliers et les collectivités, des campagnes de sensibilisation et des expérimentations locales.

En parallèle, l’appel à projet national eXtrême Défi, permet de soutenir l’ensemble de la filière industrielle des véhicules intermédiaires. Ce programme encourage l’innovation, l’investissement et le développement de composants stratégiques afin de produire les véhicules de demain.

Par ailleurs, l’association Acteurs des Véhicules Légers Intermédiaires (AVLI) joue un rôle clé pour accompagner le changement des mentalités. Regroupant fabricants, utilisateurs, chercheurs et promoteurs, elle milite pour l’intégration des véhicules intermédiaires dans les politiques publiques de mobilité. Par ses actions, l’association agit pour faire reconnaître ces solutions comme une alternative indispensable aux modèles actuels dominants et pour accélérer leur adoption à grande échelle.

II. Une réponse stratégique aux enjeux économiques et environnementaux des villes

Avantages économiques

En France, plus de 13 millions de personnes sont dans une situation de « précarité mobilité », il est devenu difficile de dépenser autant pour utiliser la voiture[4]. Or, le coût d’usage des véhicules intermédiaires reste bien inférieur à celui de la voiture grâce à une plus faible consommation énergétique.

Leur légèreté réduit les besoins en infrastructures coûteuses, permettant des économies substantielles pour les finances publiques. Grâce à leur faible consommation d’espace, d’énergie et de ressources, ils impliquent des dépenses réduites pour les pouvoirs publics[4].

De plus, le développement de ce secteur industriel crée de nouvelles opportunités. La conception et la production de véhicules intermédiaires nécessitent des innovations technologiques et des compétences spécifiques, stimulant ainsi la recherche et l’emploi local.

Une alternative écologique

Comme mentionné précédemment, la légèreté et petite taille de ces véhicules limite la consommation d’énergie et de ressources, tant pour leur production que pour leur utilisation. En termes de ressources, il est par exemple possible de comparer le nombre de véhicules que l’on peut produire pour une capacité de 100kWh pour se rendre compte de leur intérêt.

Véhicules et batteries

En ville, les véhicules intermédiaires désengorgent les routes et réduisent la pollution de l’air en remplaçant les voitures thermiques pour les trajets du quotidien. Leur faible encombrement libère aussi de l’espace pour des aménagements plus verts, comme des pistes cyclables et des zones piétonnes.Enfin, ils répondent également à d’autres enjeux, comme la sécurité (moins de vulnérabilité face à des véhicules plus légers), la santé (activité physique) ou encore la réduction de la pollution sonore.

III. Pourquoi les véhicules intermédiaires peinent encore à s’imposer ?

Malgré leur potentiel, les véhicules intermédiaires rencontrent des obstacles qui freinent leur adoption à grande échelle.


Entre infrastructures inadaptées et enjeux de sécurité

Tout d’abord, les infrastructures actuelles, largement pensées pour les voitures, ne facilitent pas leur usage. Ces véhicules légers partagent souvent la route avec des voitures classiques, ce qui soulève des questions de sécurité et peut décourager les utilisateurs potentiels, notamment dans les milieux urbains actuellement congestionnés. De plus, leur déplacement sur les espaces dédiés aux piétons et vélos questionne, du fait de leur gabarit et de leur vitesse[5].
Pour encourager leur adoption, il est nécessaire d’accompagner les territoires afin qu’ils aménagent la circulation à ces nouvelles mobilités. Dans ce cadre, le Cerema mène une expérimentation d’accompagnement des territoires[6].

Accessibilité et adaptabilité

Le coût initial des véhicules intermédiaires peut représenter un frein. Ces véhicules nécessitent des technologies et des matériaux spécifiques, ce qui les rend parfois aussi onéreux qu’une voiture classique. Cela limite leur attractivité, surtout pour les ménages modestes. Pour les démocratiser, il faut encourager les dispositifs d’aides publiques et le développement de modèles plus abordables.

De plus, l’adaptabilité de ces véhicules représente également un défi. Les personnes âgées, les individus en situation de handicap ou les familles nombreuses n’ont pas toujours accès à des modèles adaptés ou à des prix encore plus élevés. C’est aux innovations d’intégrer des options pour répondre à ces différents publics.

Freins psychologiques

À cela s’ajoutent des freins psychologiques. L’attachement culturel à la voiture reste très présent en France, elle est le symbole de la liberté et du confort. Les véhicules intermédiaires ne répondent pas aux standards et attentes associés à la voiture classique, ce qui explique le manque d’intérêt de nombreux chercheurs, décideurs ou usagers. Ceci implique un manque de connaissance des usagers sur les avantages et typologies des véhicules intermédiaires. Les campagnes de communication existantes se concentre plutôt sur la voiture électrique ou hybride, ou encore le transport collectif. Dans ce cadre, il est difficile de voir les véhicules intermédiaires s’imposer, ils nécessitent un changement d’habitude plus profond.

 

IV. Face à la diversité des véhicules intermédiaires : exemple du vélomobile

Les véhicules intermédiaires regroupent une large gamme de modèles.

Quelques véhicules intermédiaires

Exemples de véhicules intermédiaires (source Frédéric Héran)

Ils sont non seulement un moyen de déplacement « actif », nécessitant un effort musculaire (vélos à assistance électrique, vélos cargos…) mais aussi « passif » assurant un certain confort (voiturettes, microvoitures). Cette variété permet de répondre aux besoins de différents profils.

En Alsace, certaines entreprises se sont focalisées sur la construction de tels véhicules. Par exemple, l’entreprise VeMoo à Semersheim a souhaité contribuer à réinventer une mobilité plus légère, « durable, sobre et accessible à tous »[10]. Il s’agit d’un vélo à trois roues, conçu pour les déplacements du quotidien.

Modèle VeMoo

VeMoo, le vélomobile du quotidien

Ce vélomobile fonctionne par transmission mécanique mais est également équipé d’une assistance électrique permettant de rouler à 25km/h pour une autonomie de 100km. Pour le confort des utilisateurs, il dispose d’une protection pluie intégrée et de nombreux rangements.

Pour ce qui est de la sécurité, ce vélo dispose de feux puissants et de clignotants pour communiquer avec les autres usagers et sont très stables. C’est une bonne option pour se rendre au travail ou aller faire ses courses !

Conclusion

Les véhicules intermédiaires pourraient révolutionner nos modes de déplacement en combinant sobriété, légèreté et adaptabilité. Il faut néanmoins faire attention à un éventuel effet rebond. En effet, si ces véhicules viennent simplement s’ajouter à l’offre existante, cela pourrait limiter leurs bénéfices écologiques. Pour éviter cela, il est primordial d’intégrer ces solutions dans une stratégie globale de réduction de la dépendance à la voiture.

En ville comme en milieu rural, ces petits engins sont une grande opportunité… Pourquoi ne pas les essayer ?

Mot de la promo 36 | Fanny LINTZ et Louise BANNWARTH – 19 février 2025

Notes de bas de page

[1] Données et études statistiques, Comment les Français se déplacent-ils en 2019 ? Résultats de l’enquête mobilité des personnes, 16 septembre 2020.

[2] SDES, INSEE – Enquête Mobilité des personnes 2018-2019

[3] Reporterre, Aurélien Bigo : « L’avenir de la voiture est électrique, mais la voiture n’est pas l’avenir », 21 juin 2023

[4]ADEME, Ademe infos, Le véhicule intermédiaire : chaînon manquant entre  vélo et voiture électrique, avril 2024

[5]Aurélien Bigo, Les véhicules intermédiaires : l’avenir de la mobilité ?, Bon Pote, 4 janvier 2024

[6] Cerema, climat et territoires de demain, Quelle place sur la voirie pour les véhicules intermédiaires ? Une expérimentation « Extrême Défi » menée par l’Ademe et le Cerema, 27 mai 2024

[7]Ibid, Des territoires accompagnés par le Cerema

[8] A. Bigo, F. Héran et al., Définition et typologie des véhicules intermédiairesTransports Urbains, septembre 2022

[9] VEMOO, Let’sMooVe the future, Histoire de l’Entreprise

[10] VEMOO, Let’s MooVe the future, Son ADN

Sources médiagraphiques

« AVELI ». AVELI, https://www.aveli.org/ . Consulté le 19 janvier 2025.

Bigo, Aurelien. « Les véhicules intermédiaires : l’avenir de la mobilité ? » Bon Pote, 20 avril 2023, https://bonpote.com/les-vehicules-intermediaires-lavenir-de-la-mobilite/.

Bigo, Aurélien, et al. « Définition et typologie des véhicules intermédiaires ». Transports urbains, vol. 141, no 1, septembre 2022, p. 4‑8. shs.cairn.info, https://doi.org/10.3917/turb.141.0004.

Bresson, Guillaume. « Les véhicules intermédiaires : un levier pour décarboner la mobilité ? » La Fresque de la Mobilité, 5 juin 2024, https://fresquedelamobilite.org/les-vehicules-intermediaires-leviers-de-decarbonation/.

« Comment les Français se déplacent-ils en 2019 ? Résultats de l’enquête mobilité des personnes ». Données et études statistiques pour le changement climatique, l’énergie, l’environnement, le logement et les transports, https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/comment-les-francais-se-deplacent-ils-en-2019-resultats-de-lenquete-mobilite-des-personnes. Consulté le 20 janvier 2025.

« Extrême Défi ». Extrême Défi, https://xd.ademe.fr/. Consulté le 19 janvier 2025.

« Le VeMoo ». VeMoo, https://www.vemoo.fr/le-vemoo/ . Consulté le 19 janvier 2025.

« Le véhicule intermédiaire est le chaînon manquant entre le vélo et la voiture électrique ». ADEME Infos, 17 avril 2024,
https://infos.ademe.fr/mobilite-transports/2024/le-vehicule-intermediaire-est-le-chainon-manquant-entre-le-velo-et-la-voiture-electrique/.

« Peut-on faire l’économie des véhicules intermédiaires ? » Peut-on faire l’économie des véhicules intermédiaires ?,
https://xd.ademe.fr/blog/peut-on-faire-l-economie-des-vehicules-intermediaires. Consulté le 20 janvier 2025.

Quelle place sur la voirie pour les véhicules intermédiaires ? Une expérimentation « Extrême Défi » menée par l’Ademe et le Cerema | Cerema.     https://www.cerema.fr/fr/actualites/quelle-place-voirie-vehicules-intermediaires-experimentation.  Consulté le 19 janvier 2025.

Reporterre. « Aurélien Bigo : « L’avenir de la voiture est électrique, mais la voiture n’est pas l’avenir » ». Reporterre, le média de l’écologie – Indépendant et en accès libre, 13 juin 2023, https://reporterre.net/Aurelien-Bigo-L-avenir-de-la-voiture-est-electrique-mais-la-voiture-n-est-pas-l-avenir.