Auteurs : Jonathan Anziano & Elodie Cordier
Le secteur du bâtiment représente 44 % de l’énergie consommée en Francei. Il émet chaque année plus de 123 millions de tonnes de CO2ii et engendre 42 millions de tonnes de déchets par annéeiii.
Optimiser ce secteur est donc essentiel pour lutter contre le réchauffement climatique. Mais comment s’y prendre ?
En réalité, diverses solutions existent déjà que ce soit pour les phases de conception, de construction, de maintenance ou de déconstruction. Un des enjeux est toutefois de parvenir à les mettre en pratique tout au long du cycle de vie du bâtiment. Le BIM (Building Information Modeling) se révèle alors un atout notable pour relever ce défi.
Au fil de cet article, Antoine CAVELIER, Responsable BIM chez Habitation Moderne, présente les avantages du BIM à chaque étape du cycle de vie d’un bâtiment. Dès lors que vous avez ce picto, cliquez pour écouter le podcast. NB : Le podcast complet est disponible en fin d’article.
La prise de conscience écologique dans le bâtiment
Le premier tournant a lieu avec le choc pétrolier de 1973 qui met en exergue la nécessité d’économiser l’énergie (notamment fossiles) dans le domaine de la construction. Cette crise permet de poser la première pierre : la réglementation thermique (RT) de 1974 qui vise alors une baisse de la consommation des logements à 225 kWh/m².an.
Suit le deuxième choc pétrolier de 1979 dont découle une nouvelle version de la réglementation thermique (1982) avec un objectif abaissé à 170 kWh/m².an.
Mais le virage s’opère véritablement dans les années 1990, avec notamment la conférence de Rio. La RT 2000 affiche un objectif de 130 kWh/m².an qui est réduit à 90 kWh/m².an par la RT 2005. Cette dernière crée surtout les différents labels encore en vigueur comme le label BBC (bâtiment basse consommation) qui vise un plafond de 50kWh/m².an.
A ce stade, il ne s’agit plus seulement d’économiser les énergies mais aussi de repenser le bâtiment en termes de durabilité et de respect de l’environnement.
2007, le Grenelle de l’Environnement donne naissance à la RT 2012 qui instaure des objectifs clairs de réduction d’émission de CO2 et fixe à 50 kWh/m².an la consommation des bâtiments neufs.
Et aujourd’hui ? La nouvelle réglementation, appelée RE2020iv, prévue pour le courant de 2021 (voire début 2022) va plus loin ! Elle priorise non seulement les empreintes écologiques les plus faibles possible mais aussi les bâtiments à énergie positive (label E+C-).
Conception : prendre en compte le cycle de vie du bâtiment dès le départ
Afin de concevoir un bâtiment véritablement durable, il est indispensable de prendre en compte l’intégralité de sa durée de vie, « du berceau à la tombe ». Pour ce faire, une méthode existe : l’analyse du cycle de vie (ACV).
L’ACV est une méthodologie multicritère d’évaluation des impacts environnementaux définie dans la norme ISO 14040-44.
Dans le cas d’un bâtiment, l’ACV prend en compte :
- les matériaux utilisés (extraction, traitement, fabrication),
- les moyens de mise en œuvre (transport, techniques),
- la maintenance (exploitation, entretien, réparation, rénovation),
- la déconstruction (démolition, recyclage des matériaux).
L’impact environnemental d’un bâtiment ne se limite pas à sa performance énergétique. L’ACV prend en effet en considération : « le changement climatique, l’eutrophisation et l’acidification des sols et des milieux aquatiques, l’écotoxicité, la toxicité humaine, la consommation d’énergie, d’eau et l’occupation des surfaces. »v
Aujourd’hui, l’ACV commence à être utilisée pour les produits mais l’est encore rarement pour l’ensemble du bâtiment. La multiplicité des facteurs à prendre en compte et des acteurs impliqués rend en effet la tâche complexe. Le BIM est alors un allié précieux pour anticiper l’impact environnemental d’un bâtiment dès la phase de conception.
Construction : opter pour des matériaux et des modes de travail durables
L’un des enjeux d’une construction durable est d’utiliser des matériaux écologiques. Cela implique non seulement qu’ils soient biosourcés mais aussi exempt d’additifs chimiques pour être facilement réutilisables ou recyclables. Évidemment la question du transport des matériaux est également à prendre en compte.
Aujourd’hui, ils sont surtout utilisés pour l’isolation.

Notez que l’on compte aussi des éco–matériaux pour la construction même du bâtiment, tels que :
• Le bambou pour les charpentes, planchers, poteaux, toiture, conduites d’eau, canalisations…
• La terre crue (briques ou enduits) pour réaliser des murs
• Le bois pour les charpentes, l’ossature, le cloisonnement
• La chaux (associée à du sable, de l’argile des pierres, du chanvre ou de la paille) pour la finition des murs
• L’argile crue pour la construction des murs, etc.
Il faudrait également utiliser des produits respectueux de l’environnement pour le second œuvre : peintures végétales, revêtements naturels…
Outre le choix des matériaux, il est primordial d’optimiser la planification des interventions de chaque corps de métier, afin d’éviter de construire pour déconstruire. L’utilisation du BIM permet alors d’anticiper chaque étape et d’éviter des gâchis.
Exploitation et maintenance : impliquer tous les acteurs dans la vie du bâtiment
Si la lumière est souvent mise sur la partie construction, celle-ci ne représente cependant qu’une faible part du coût global d’un bâtiment. Les coûts de fonctionnement peuvent en revanche représenter jusqu’à 75 % des dépenses sur 35 ans de durée de vie.vii
Qu’est-ce que le coût global ?
L’approche en coût global vise à prendre en compte l’intégralité des coûts d’un projet de construction :
- Investissement de départ
- Exploitation maintenance
- Remplacement des équipements et matériaux
- Déconstruction du bâtiment.
Elle permet notamment de mieux identifier les coûts différés dès la phase de programmation et de conception du projet. Cette démarche peut ainsi permettre d’identifier les choix les plus pertinents. Elle peut par exemple valoriser le choix d’un investissement de départ plus conséquent qui permettrait des économies d’énergie favorable à l’environnement par la suite.
Opter pour l’éco-construction ne suffit pas pour garantir une maintenance efficace et une faible dépense énergétique.
Le premier enjeu est de régler correctement les diverses installations techniques et d’anticiper leur entretien au fil des ans. Pour une meilleure durabilité, il conviendra de sélectionner les équipements qui soient aussi bien performants qu’écologiques (ex : chauffage solaire ou pompe à chaleur), résistants, réparables et en dernier recours, recyclables.

Le second enjeu est de sensibiliser et d’accompagner les occupants, particulièrement la première année, en prenant en compte les différents usages selon les saisons.
Conseils dans la gestion du chauffage et de la climatisation, incitation au tri des déchets, économie d’eau, systèmes d’aération à favoriser… Les éco-gestes sont nombreux et les habitants peuvent y être sensibilisés par le biais d’affichages, de prospectus ou encore de réunions d’informations conviviales.
Déconstruction : anticiper la seconde vie du bâtiment
Enfin, un bâtiment n’est pas éternel, il faut donc prévoir sa fin de vie. S’il a été éco-conçu et éco-construit, sa déconstruction permettra la réduction de déchets, par quatre biais :
- Réemploi (pour le même usage)
- Réutilisation (pour un autre usage)
- Recyclage de la matière
- Valorisation énergétique (brûlé pour créer de l’énergie)
Aujourd’hui seuls 46 % des déchets du bâtiment sont valorisés. Il existe donc un réel potentiel d’amélioration.
Pour en savoir plus, parcourez le guide « Comment mieux déconstruire et valoriser les déchets du BTP » d’Union Habitat.
Le BIM offrant une connaissance fine des caractéristiques du bâtiment, la valorisation de ces déchets peut être organisée avant même le premier coup de pelle de démolition.

Conclusion
L’éco-construction permet au bâtiment d’avoir un impact faible sur l’environnement tout au long de sa vie. En le déconstruisant, au lieu de simplement le démolir, ses composants peuvent aussi alimenter de futures constructions et ainsi minimiser le besoin en ressources nouvelles.
Copyright
Picto podcast : ©shashank singh
Picto play : ©Adrien Coquet
Vidéo : « Les entreprises de construction, acteurs clés du projet BIM » conçue par Magamo, réalisée par RefProductions pour le site ToutSurLeBIM.
Sources générales
- Objectif-BIM.com http://www.objectif-bim.com/index.php/bim-maquette-numerique/le-bim-en-bref/la-definition-du-bim
- Site buildingsmart France https://www.buildingsmartfrance-mediaconstruct.fr
- Wikipedia https://fr.wikipedia.org/wiki/Consommation_énergétique_des_bâtiments
- « 10 matériaux intégrés à la construction écologiques / économiques / isolants » http://maisons-blanches.fr/10-materiaux-ecologiques-naturels/
- « Programme d’exploitation maintenance générique. Référentiel immobilier de l’enseignement supérieur et de la recherche ». EPAURIF, Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Janvier 2019. https://services.dgesip.fr/fichiers/RIMESR-Tome3-PEMG_2019.pdf
- Guide Comment mieux déconstruire et valoriser les déchets du BTP d’Union Habitat https://www.union-habitat.org/sites/default/files/articles/pdf/2018-11/guide_comment_mieux_deconstruire_et_valoriser_les_dechets_du_ptp.pdf
__________________________
i Juin 2017 – https://www.ecologie.gouv.fr/energie–dans–batiments
ii Juin 2017 – https://www.ecologie.gouv.fr/energie–dans–batiments
iii Ademe 2018
iv Réglementation Environnementale des bâtiments neufs
v Extrait de l’article « Analyse du Cycle de Vie (ACV) : qu’est–ce que c’est et à quoi ça sert ? » de Batirama –05/07/2018 https://www.batirama.com/article/20713–analyse–du–cycle–de–vie–acv–qu–est–ce–que–c–est–et–a–quoi–ca–sert.html
vi Définition issue du site https://www.buildingsmartfrance–mediaconstruct.fr
vii Extrait du « Programme d’exploitation maintenance générique. Référentiel immobilier de l’enseignement supérieur et de la recherche ». EPAURIF, Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Janvier 2019. https://services.dgesip.fr/fichiers/RIMESR–Tome3–PEMG_2019.pdf
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