L’ISOLATION BIOSOURCEE, UNE RECETTE SIMPLE ET EFFICACE
[7ème mot de la promo]
Proposé par Valérie BILHAUD, et Delphine DECAUDAIN
Éco-conseillères en formation du Mastère Spécialisé® Éco-conseiller, Promotion 35
L’accélérateur de l’utilisation des matériaux biosourcés
Depuis l’entrée en vigueur de la réglementation environnementale française RE2020 il y a deux ans, la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) dans le secteur du bâtiment est devenue la priorité pour toutes les filières. Dans cette quête des solutions les plus adaptées, il est essentiel de réfléchir à l’origine des matériaux utilisés, à leur provenance et à leur transformation. En parallèle, l’État français a mis en place un Plan de relance 2020-2022 exceptionnel afin de redresser l’économie française suite à la crise du COVID-19. Dans le cadre de ce plan, la rénovation énergétique est mise en avant, notamment en encourageant l’utilisation de matériaux biosourcés.
Aussi la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte souligne l’intérêt de l’utilisation de ces matériaux dans le secteur du bâtiment. En effet, cet article 5 précise que « l’utilisation des matériaux biosourcés concourt significativement au stockage de carbone atmosphérique et à la préservation des ressources naturelles ». Ainsi, ces matériaux sont un atout majeur pour atteindre les objectifs nationaux de neutralité carbone d’ici 2050.
La Maison Feuillette, construite en paille et bois en 1920 à Montargis, CNCP
Qu’est-ce qu’un matériau biosourcé ?
Les matériaux biosourcés sont issus de la matière organique renouvelable (la biomasse), d’origine végétale ou animale. Ils peuvent être utilisés comme matière première dans les produits de construction.
Le bois, chanvre, paille, ouate de cellulose, textiles recyclés, roseau, herbe de prairie, balles de céréales, miscanthus, lin, chaume, liège, constituent des bioressources.
Dans le domaine du bâtiment, on les trouve essentiellement dans les matériaux d’isolation, les enduits, et éléments structurels de construction etc.
Ces matériaux ont pour avantages d’être renouvelables dans un cycle de régénération court, d’être d’origine locale, ils peuvent être biodégradables (notamment la matière première), et possèdent une capacité de stockage intéressante du carbone via le processus de la photosynthèse.
Avantages d’un matériau d’isolation biosourcé
Les matériaux biosourcés offrent une isolation thermique et un confort hygrométrique remarquables grâce à leur déphasage thermique et à leurs propriétés respirantes. De plus, ils assurent une bonne insonorisation, améliorant ainsi la qualité de vie des habitants.
Dans la région Grand Est, la territorialisation des filières vertes issue du 2eme plan d’action pour le développement des matériaux biosourcés de l’état a abouti au soutien de 3 filières locales principalement : le bois, le chanvre, la paille. Toutefois, d’autres filières se structurent et témoignent de leurs solutions et atouts (roseau, laine de mouton…). Nous nous intéressons à deux isolants biosourcés.
Toutefois, ils ne sont pas toujours « verts ». Il convient de prendre en considération l’ensemble du cycle de vie du matériau pour évaluer son impact environnemental : le transport de la matière première, sa transformation éventuelle, le potentiel transport en fin de vie, et le relargage du CO2 stocké temporairement dans le matériau (carbone biogénique).
La laine de mouton
La filière ovine est en déclin en France, et la laine issue des tontes, qui récemment était encore exportée en Chine par cargo pour y être lavée, traitée, cardée et utilisée, principalement dans l’industrie textile, est désormais souvent stockée ou détruite car considérée comme un sous-produit.
En effet le prix d’achat en France de la laine non traitée est si bas que les éleveurs ne parviennent pas à en tirer profit par rapport au temps passé à tondre les moutons.
Photo de G. Kalaydzhiev sur Unsplash
Cependant, une filière d’utilisation de la laine aussi bien comme matière première pour l’habillement que pour l’isolation intérieure et extérieure de bâtiments a été encouragée entre 2014 et 2020 avec une initiative financée par l’UE entre plusieurs pays européens qui ont un historique de manufacture de laine (DEFI-Laine). Cela a permis des initiatives locales pour revaloriser cette matière première qui présente des atouts indéniables. Soutien inestimable d’un secteur agricole en grande difficulté, la valorisation de la laine comme matière première apporterait un revenu supplémentaire nécessaire aux éleveurs d’ovins dont le revenu moyen est statistiquement parmi les plus bas de la profession et dont le nombre ne cesse de décroître.
Le transport et la transformation de la laine dans un périmètre régional permet de réduire l’empreinte écologique de la production par rapport aux matériaux courants. Une partie de la tonte n’est pas exploitable par l’industrie de l’habillement à cause de fibres de laine trop courtes. Mais elle peut être valorisée avec le secteur du BTP comme isolant, remplaçant avantageusement les isolants plus classiques issus de la pétrochimie.
Pour être utilisée dans le secteur du BTP, la laine brute nécessite d’être lavée pour ôter le suint (c’est la graisse naturelle de la laine) et les saletés. Elle doit aussi être traitée avec un insecticide pour éviter la prolifération de mites qui s’en nourrissent. Elle se présente ensuite soit sous forme de panneaux semi-rigides, qui peuvent être utilisés sous toit, soit sous forme de vrac, idéal pour l’isolation sous plancher. La kératine de la laine contient 50 % de carbone, ce qui en fait un matériau particulièrement attractif compte-tenu de l’objectif de neutralité carbone d’ici 2050. C’est un excellent retardateur de flamme (la laine ne s’enflamme qu’à 560°C), et les fumées de laine ne sont pas toxiques. Puisqu’elle absorbe les composés organiques volatiles qui nuisent à la qualité de l’air intérieur, la laine est un matériau intéressant quant à la santé environnementale des bâtiments. Enfin, elle présente des intérêts certains comme isolant, pour le confort thermique d’été et d’hiver. En fin de vie, la laine utilisée en tant qu’isolant pourra être réemployée avec un nouveau traitement.
Dans le cadre d’un chantier pilote, une salle des fêtes en milieu rural (à Mandres-aux-Quatre-Tours) a d’ailleurs été rénovée avec succès en utilisant des panneaux de laine semi-rigides comme isolants thermique et phonique.
La paille
Contrairement aux croyances véhiculées par le conte des 3 petits cochons, la paille s’avère être un excellent matériau pour la construction, et plus précisément un isolant aux multiples atouts.
La France cultive traditionnellement de nombreuses céréales sur de grandes surfaces, la paille est donc une matière première locale produite en grande quantité. La paille consiste en une tige de céréales, principalement de blé en France, dont on a ôté les grains, l’épi et la racine. C’est donc un sous-produit. Elle est laissée sur place pour sécher quelques jours, puis les brins de paille sont collectés sous forme de ballots.
Habituellement utilisée comme litière pour les animaux dans les élevages, elle devient fumier avec leurs déjections puis est épandue sur les champs pour fertiliser les sols.
Lorsqu’elle est utilisée dans le BTP, elle doit respecter un cahier des charges particulier en termes de tailles possibles, de densité et d’humidité tolérée. Elle est ficelée solidement sous forme de ballots parallélipédiques avec du polypropylène pour assurer l’intégrité de la botte à travers le temps.
Elle peut être utilisée comme isolant intérieur et extérieur, et en support d’enduit. Ses qualités sont multiples : elle offre une remarquable isolation phonique et thermique (y compris pour le confort d’été), et une bonne résistance au feu (grâce à la forte densité du ballot qui n’alimente pas le feu en oxygène).
Bien posée, elle n’attire ni les rongeurs ni les insectes, et ne craint pas l’humidité. Le fait qu’elle soit abordable en fait un atout supplémentaire. En fin de vie, la paille peut être réemployée ou compostée.
Photo de Collab Media sur Unsplash
Une formation Propaille existe pour les professionnels afin de savoir comment la préparer en tant que matériau de construction (souvent avec des parois en bois). Jusqu’à maintenant, malgré sa popularité croissante, les personnes formées sont encore trop peu nombreuses.
La maison Feuillette (du nom de l’ingénieur concepteur), construite en paille à ossature bois en 1920, lorsque la situation au sortir de la Première Guerre Mondiale avait rendu les matériaux de construction inaccessibles, est toujours debout aujourd’hui et en bon état. Elle a été classée monument historique compte-tenu de son âge et du fait qu’elle soit la plus vieille maison en paille au monde. Elle sert avantageusement de vitrine convaincante pour des formations du Centre National de la Construction Paille.
Bibliographie
Sources :
Ministère de la Transition Ecologique et de la Cohésion des Territoires. « Matériaux de construction biosourcés et géosourcés ». Article publié le 12/04/2021. Site du Ministère de la Transition Ecologique et de la Cohésion des Territoires. [en ligne]. Disponible sur : (Page consultée le 4/02/2024)
https://www.ecologie.gouv.fr/materiaux-construction-biosources-et-geosources
Ministère de la Transition Ecologique et de la Cohésion des Territoires. « Les matériaux de construction BIOSOURCÉS & GÉOSOURCÉS ». Plaquette. Site du Ministère de la Transition Ecologique et de la Cohésion des Territoires. [en ligne].
Disponible sur : (Page consultée le 4/02/2024)
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Légifrance. « LOI n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte
». Site Légifrance. [en ligne]. Disponible sur : (Page consultée le 4/02/2024) https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/LEGIARTI000031048207/2015-08-19/#LEGIARTI000031048207
DREAL Grand Est. « Les matériaux biosourcés dans le champ de la construction et de la rénovation ». Plaquettes. Site internet DREAL Grand Est. [en ligne]. Disponible sur : (consulté le 4/02/2024)
Congrès International du Bâtiment Durable. (9 ; 2021 ; Strasbourg, Namur et Sarrebruck). « CNBD#9 Quelle fin de vie pour les matériaux biosourcés ? Impact environnemental des matériaux biosourcés dans le bâtiment ». Conférence (9 min 49 > 25 min). Site chaîne YouTube Envirobat Grand Est. [en ligne].
Disponible sur : https://www.youtube.com/watch?v=nDsXKsn8iqQ&t=83s (Page consultée le 4/02/2024)
BOHLINGER Philippe. « Isoler en laine de mouton, la filière se retricote ». La Maison Écologique, Octobre-Novembre 2023, n°137
Congrès International du Bâtiment Durable. (9 ; 2021 ; Strasbourg, Namur et Sarrebruck). « CNBD#9 Sur le chemin de la neutralité carbone : les filières. Des isolants en laine de mouton locale ». Conférence (14 min 43 > 25 min). Site chaîne YouTube Envirobat Grand Est. [en ligne]. Disponible sur : https://www.youtube.com/watch?v=XirQjA36Img (Page consultée le 4/02/2024)
Parcs Naturels Régionaux de France. « Symbiose entre nature et habitat, Vers une filière laine pour construire demain ». Brochure. Site du PNR de Lorraine. [en ligne]. Disponible sur : https://www.pnr-lorraine.com/wp-content/uploads/2022/06/FINAL_WEB_LAINE_doublepages-1.pdf (Page consultée le 07/02/2024).
Réseau Français de la Construction Paille. « Cahier des charges pour l’utilisation des bottes de paille dans la construction ». Brochures. Site du RFCP. [en ligne]. Disponible sur : https://www.rfcp.fr/presentation/?doing_wp_cron=1707582185.0251960754394531250000 (Page consultée le 07/02/2024).
Réseau Français de la Construction Paille. Présentation de la filière Paille « L’isolation en paille, Un “déjà-là” au service de l’humanité ». Brochures. Site du RFCP. [en ligne]. Disponible sur : https://www.rfcp.fr/presentation/?doing_wp_cron=1707582185.0251960754394531250000 (Page consultée le 07/02/2024).
Collectif Biosources Grand Est. Matériau biosourcé Paille. Site du Collectif Biosources Grand Est [en ligne]. Disponible sur : https://www.biosources-ge.org/materiaux/paille/ (Page consultée le 07/02/2024).
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