Entretien avec Vincent FABRE, Directeur de l’école élémentaire de la Canardière, 7 juillet 2023

Votre école a déposé un dossier de candidature pour la transformation de sa cour d’école auprès de la Ville de Strasbourg au printemps 2021. Quels étaient alors vos constats quant à l’ancienne cour ?

On crevait de chaud ! Vous l’avez peut-être senti en traversant la cour B (celle qui n’est pas encore déminéralisée). Elle n’était vraiment pas sympathique… Quand on a vu qu’on pouvait lancer un projet, on s’est réunis à deux reprises avec quasiment toute l’équipe. L’un des enseignants a fait des dessins avec une proposition de plan, une projection de ce que nous souhaitions. Nous y avions passé du temps, pour motiver notre candidature. Et nous avons été retenus, à notre grande surprise ! On était très contents. Nous avons fait partie de la « série 1 ».

 

Quelques repères :

  • 290 enfants environ.
  • Deux cours (cour « A » pour les CP et CE1 + Cour « B » pour les CE2 à CM2)
  • Concertation « Cours OASIS » réalisée entre janvier et juin 2022.
  • Travaux de la Cour A terminés, travaux de la cour B prévus pour l’été 2023.
  • Présence d’un jardin pédagogique.
l'année en jardinage toute l'année

Atelier de conception du plan d’intention par le comité de cour de l’école.

Comment avez-vous vécu toute la période de concertation pour la définition de votre projet final ?

C’est très long mais c’est très bien ! Ca prend beaucoup de temps mais c’est très intéressant. Tous les collègues qui y ont participé sont très contents. Parce qu’on a été écoutés. Nous avons repris notre projet initial à la base, puis il a été adapté et mis en forme bien-sûr. Nous avons toujours eu à l’esprit que nous ne pourrions pas obtenir pas tout ce que nous demandions : pour des raisons budgétaires, pour des raisons d’impératifs techniques. Mais tout cela était très clair. L’adjoint de quartier et le représentant de la Maire au Conseil d’école ont manifesté de l’intérêt en venant à certains ateliers. La concertation a porté sur les deux cours : A et B.

 

 

 

 

Les ateliers de concertation ont-ils crée une dynamique particulière dans l’équipe et avec les périscolaires, parents d’élèves… ?

Pas particulièrement en fait. Je vais vous expliquer pourquoi : les réunions avaient lieu de 16h45 à 18h45, donc seuls les motivés sont venus, ceux qui avaient travaillé sur le dossier de candidature, en particulier la personne qui a investi le jardin pédagogique. Mais les enseignants ont ensuite communiqué entre eux entre les ateliers. Cette concertation a permis une autre dynamique, parallèle à celles déjà existantes.

Concernant les parents d’élèves, c’est malheureusement très difficile dans notre secteur de les mobiliser. Même pour le conseil d’école, j’ai beaucoup de mal à les faire venir. Un papa a cependant a participé.

La concertation avec les enfants était très intéressante, elle a eu lieu dans une classe de CM2. Ce sont eux qui ont demandé des points d’eau, on n’y avait même pas pensé !

Avec le périscolaire, nous communiquons déjà beaucoup. C’est le service de la Mairie à midi et du personnel du Centre socio-culturel matin et soir, qui ont un local dans l’école. Ils sont venus à presque toutes les réunions et ont demandé en particulier un petit bout de potager dans leur zone.

 

Après la concertation est venue la phase des travaux, qu’est-ce que vous en retenez ?

Les travaux ont débuté avec trois jours de retard. J’étais plutôt furieux, même si je sais ce qu’est le monde de l’entreprise ! En effet, les travaux devaient commencer le 10 octobre 2022 (c’est écrit en gros dans mon agenda !) J’avais donc informé tous les parents d’élèves que l’entrée dans le bâtiment se ferait par derrière, comme on ne pouvait plus du tout utiliser la cour A sur le temps scolaire. Mais comme rien ne s’est passé pendant trois jours, les parents ne comprenaient pas, vous imaginez de quoi j’ai eu l’air… Les travaux ont eu lieu en partie avant les vacances de la Toussaint. L’enlèvement du bitume et la pose des nouveaux revêtements ont été réalisés durant le temps de classe. … Je me souviens que la dameuse faisait trembler les murs des classes ! Les travaux se sont étalés ensuite jusqu’à l’hiver : l’installation des aménagements, les finitions, les plantations… Mais tout le monde était content que ça se fasse, donc c’est passé ! (rires).

On attend encore le marquage au sol du circuit vélos, je pense que cela ne va plus tarder.

Comment avez-vous pu vous approprier ces nouveaux espaces ? Avez-vous organisé des temps de discussion avec les élèves ?

Cela s’est fait très progressivement. Avec l’équipe enseignante, nous nous sommes réunis très rapidement pour voir comment nous organiser. Les enseignants ont pris l’habitude de se répartir dans la cour pour pouvoir surveiller les élèves. En effet, en restant au même endroit, du côté du préau, comme avant les travaux, ils ne pouvaient plus avoir l’œil sur eux en raison des aménagements. C’est une très bonne chose. Nous avons écrit un règlement d’usage, une charte en quelque sorte, ce qui a permis de mettre les choses au point avec les enfants. Par exemple, pendant un moment, les enfants ne pouvaient pas utiliser « l’auditorium » sur le côté de la butte, car il n’était pas fonctionnel. La terre dégringolait : des travaux complémentaires ont été réalisés pour réaménager les marches et depuis ils les escaladent avec bonheur ! Autres exemples : on ne s’assied pas sur les cordes qui délimitent les espaces plantés, on ne court pas sur les traverses de bois, mais on peut s’asseoir dessus…. Les enfants étaient très contents et ils ont vite compris les règles. Ils les respectent plutôt bien en pratique.

 

Quels changements avez-vous pu observer dans le comportement des enfants depuis que la nouvelle cour est en place ?

Il y a beaucoup moins d’excitation et le volume sonore a baissé ! D’ailleurs, j’espère que cela sera pareil dans la cour B, celles des grands. Il n’y a plus de regroupement à 10 à 15 élèves qui se mettent à hurler sans que l’on sache bien pourquoi… J’ai appris à ce sujet que des mesures ont été prises sur le niveau sonore avant et après les travaux. Je serais intéressé de connaître le résultat, mais il est clair qu’il y a beaucoup moins d’énervement. Les enfants ont des activités différentes, par plus petits groupes. Ils s’assoient volontiers sur les bords des espaces plantés. Mais ils peuvent aussi courir, ils peuvent monter, grimper sur la butte, faire du toboggan. Nous avons gardé un espace sportif pour les jeux de ballon, mais uniquement en mousse. En effet, les jeux de ballon, c’est notre combat depuis 2 ans ! Chez les grands, nous avons complètement arrêté le foot et les ballons en cuir. Ils peuvent faire des balles assises, d’accord pour ce genre de choses, mais si les filles n’ont pas le droit de jouer, c’est interdit, c’est clair et net ! Les garçons ont terriblement besoin de taper dans quelque chose, même des cailloux ! Ils sont parfois 6 ou 7 autour du même ballon à se pousser, on ne peut même pas dire que c’est du foot !

Concernant l’attitude des enfants en classe, il faut savoir que nous n’avons que des classes dédoublées en CP-CE1, qui ne dépassent pas 15 élèves. Ce sont ces enfants qui bénéficient de la nouvelle cour actuellement. De ce fait, l’ambiance dans les classes était déjà apaisée auparavant.

Comment la cour est-elle investie en dehors des temps de récréation ?

Les classes sortent fréquemment durant le temps scolaire. Les enfants font par exemple le « quart d’heure lecture » sous les arbres. Il y a aussi les goûters d’anniversaire dans la cabane. Le jardin pédagogique qui était déjà investi auparavant suit son cours. Mais des carrés potagers supplémentaires ont été implantés. Davantage de classes profitent du jardin pédagogique. Les travaux dans la cour ont permis de poursuivre les actions déjà en place avec le SINE de Bussierre d’éducation à l’environnement.

Maintenant nous attendons avec impatience les travaux de la cour B ! Nous savons plus ou moins à quoi elle ressemblera, puisque nous avons l’exemple de la cour A. Tout a été défini lors de la concertation. Les grands ont bien-sûr visité la nouvelle cour et se réjouissent de la réalisation des travaux à venir.

 

S’agissant des objectifs initiaux fixés durant la concertation, pensez-vous qu’ils ont été atteints ?

Je pense qu’il faut attendre 2 à 3 ans pour que tout soit bien en place, mais l’attitude des enfants a vraiment changé. Ils trouvent à s’occuper plutôt que de faire des bêtises (certains !) Au lieu de jeter des cailloux, ils se dépensent. Ils se posent davantage aussi. Il y a plein de choses à faire dans la nouvelle cour, avant c’était soit le ballon, soit embêter les autres !

 

Si vous aviez des choses à transmettre aux écoles qui sont en cours de concertation, que leur diriez-vous ?

Il faut de la patience et accepter d’y consacrer du temps. C’est un pari à moyen terme, les effets viennent avec le temps. Cela va apaiser l’école. Cet après-midi il va faire 32°C, c’est invivable ! Cela vaut le coup d’être patient, de prendre son temps durant la concertation car on est écouté. C’est intéressant de voir que nos demandes ont été prises en compte par les différents acteurs, en particulier la Mairie. Il faut accepter les contraintes techniques.

Le résultat n’est pas toujours exactement conforme à ce que l’on avait prévu. Dans notre cas, l’auditorium a nécessité des adaptations, mais on nous a expliqué pour quelles raisons. Les collègues sont satisfaits et je peux vous dire qu’ils sont exigeants, alors c’est tout dire ! Et les enfants aussi !